Des militants du climat ont paralysé Genève deux heures

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environnement (GE)Des militants du climat ont paralysé Genève deux heures

Des activistes du collectif Renovate Switzerland se sont collés au pont du Mont-Blanc. Ils exigeaient que le Conseil fédéral assainisse un million de maisons.

Ils montent en puissance. Ce jeudi, les militants de Renovate Switzerland sont parvenus à bloquer le pont du Mont-Blanc, à Genève, durant deux heures et dix minutes. Lundi, lors de leur première action menée sur l’autoroute A9 à Lausanne, ils n’avaient tenu qu’une quinzaine de minutes. «On s’en ira des autoroutes quand le Conseil fédéral aura fait un plan pour rénover un million de maisons d’ici 2040», ont annoncé les activistes à peine installés sur l’axe central de la cité de Calvin.

Ils étaient neuf à surgir à 7h30 tapantes. Six se sont répartis sur l’ouvrage, barrant la circulation dans les deux sens. Trois d’entre eux se sont même collé les mains au sol, rendant toute évacuation délicate. Quelques réactions de scootéristes énervés fusent: «Vous cherchez quoi en fait?!», «Je dois aller au boulot, moi!», mais la plupart des automobilistes restent calmes. Aucun klaxon, ou si peu, ne résonne.  

Les militants de Renovate Switzerland ont investi le pont du Mont-Blanc à 7h30 ce jeudi 14 avril à Genève.
Les activistes réclament que le Conseil fédéral procède à l’assainissement énergétique d’un million de maisons d’ici 2040.
Pour se faire entendre, ils ont bloqué la circulation sur l’axe central de Genève.
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Les militants de Renovate Switzerland ont investi le pont du Mont-Blanc à 7h30 ce jeudi 14 avril à Genève.

20min/Sébastien Anex

«Que le Conseil fédéral nous aide»

Collée au bitume, Cécile, une logopédiste, explique: «Les bâtiments sont les deuxièmes plus gros émetteurs de CO₂ en Suisse après les transports. Les assainir est une mesure consensuelle, nécessaire et hyper-importante. Cela baissera la facture des ménages de 60%, créera de l’emploi, réduira la dépendance énergétique de la Suisse. Les autorités ont des plans, mais ils ne sont pas mis en œuvre. A nous, les citoyens, de faire ces actions pour qu’elles se reprennent en main, qu’elles se secouent!». Une autre militante poursuit: «Pour de vrai, on n’a pas assez de temps. On est obligés de faire ça. On aimerait vraiment que le Conseil fédéral nous aide».

Passants positifs

Parmi les passants, les réactions sont globalement positives. «Cela me paraît parfaitement légitime, juge un homme en vélo. L’isolation est un très gros problème, et il y a une inertie monstrueuse des états. C’est quand on a la catastrophe dans la gueule qu’on se réveille.» Un piéton commente avec flegme l’action en cours. «Ca se défend. Assainir les bâtiments, on va sans doute y arriver tôt ou tard. C’est raisonnable.» Un automobiliste coincé en première ligne fait contre mauvaise fortune bon cœur: «Je peux comprendre, ça devient un sujet important. Ca m’embête forcément, je vais au travail, mais peut-être est-ce le seul moyen pour se faire entendre. Je porte un regard bienveillant sur cette action. On est tous citoyens, faut pas non plus déconner.»

L’ambiance est extrêmement calme. La police, sur place à 7h40, s’est attelée à dévier le trafic qui paralyse les quais et à faire rebrousser chemin aux automobilistes prisonniers sur le pont. A 7h50, il est vide. Les échanges avec les activistes sont respectueux. Aucune agressivité n’est perceptible, hormis les vociférations de quelques passants, très minoritaires. «Vous avez que ça à foutre, bande d’enfoirés!», hurle ainsi une jeune femme. A 8h03, les agents indiquent aux manifestants qu’ils seront évacués dans dix minutes.

«Emmerder les gens, je déteste faire ça»

Il en faudra bien plus. A 8h18, trois militants acceptent sans résistance de quitter le pont. Reste ceux dont la main est collée, avec un casse-tête. Comment les détacher? Une ambulance arrive à 8h30. Puis les pompiers sont appelés. Pendant ce temps, Anaïs, vissée au bitume, explique: «On emmerde les gens, c’est horrible, je déteste faire ça, mais il n’y a pas d’option sans douleur.»  Elle était chercheuse à l’EPFZ dans un laboratoire se préoccupant de la restauration des écosystèmes. Elle a abandonné son métier car elle «avait le sentiment qu’il était devenu inutile: dans vingt ans, il n’y aura plus d’écosystèmes. C’est désespérant, alors je me colle aux ponts», lâche-t-elle les larmes aux yeux. Une passante s’enquiert de la situation: «Y a-t-il eu un accident?». «Il y a un accident planétaire en cours, mais sur cette route, ça va…»

«Ils sont courageux»

Anaïs expose les revendications de Renovate aux badauds. «D’accord, mais après je ne sais pas si c’est la bonne méthode, ça fait chier tout le monde», rétorque un scootériste. «Bravo Madame, il n’y a qu’une seule vérité!», salue un autre. «Qu’est-ce que c’est que ces connards qui bloquent toute la ville?, tonne un passant, à Lausanne, ils seraient déjà loin!». Deux hommes discutent entre eux: «C’est très bien, eux ils sont courageux, nous on est lâches. On va dans le mur, tous.»

A 9h30, l’opération de libération des militants, et donc du pont, débute enfin grâce à un solvant miracle fourni par les pompiers. Les mains se décollent sans mal. Les trois derniers activistes, qui ont fait l’objet d’une vraie sollicitude des forces de l’ordre et des secours, sont évacués en ambulance. A 9h39, le pont du Mont-Blanc est rouvert à la circulation. Le premier camion qui s’y engage appartient au cimentier Holcim.  

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