Des spécialistes critiquent l’OFSP pour ses mesures de protection

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Coronavirus en SuisseDes spécialistes critiquent l’OFSP pour ses mesures de protection

Des scientifiques font pression sur l’Office fédéral de la santé publique pour qu’il prenne en compte la transmission du virus par de minuscules gouttelettes appelées aérosols.

Daniel Waldmeier, Pascal Michel/pac
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Daniel Waldmeier, Pascal Michel/pac

Avec l’arrivée de la deuxième vague, la problématique de la transmission du virus resurgit. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) ainsi que l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) partent du principe que les gouttelettes qui ne se diffusent pas à plus d’un mètre sont la principale source de contamination au coronavirus. Selon l’OMS, les infections par de minuscules gouttelettes suspendues dans l’air, appelées aérosols, sont possibles, mais elles jouent un rôle secondaire.

Comme de nombreux scientifiques du monde entier, plusieurs chercheurs suisses demandent aujourd’hui à l’OMS et à l’OFSP de revoir ce postulat. Ils affirment que les autorités sanitaires ont sous-estimé le danger que représentent les aérosols. Dans les intérieurs mal ventilés, ils peuvent flotter dans l’air jusqu’à trois heures. Ainsi, les gens risquent d’être infectés, alors qu’ils restent à distance des autres individus. Dix professeurs de renom estiment que les aérosols sont responsables de nombreuses contaminations, lors des grandes manifestations par exemple: on sait que de nombreuses infections se produisent dans les chorales, les bars et dans les lieux où les gens chantent ou crient.

«Nous sommes au courant depuis cet été des transmissions par aérosols. Les preuves qu’il s’agit d’une source de contamination importante n’ont fait que s’accroître depuis lors», explique l’épidémiologiste Emma Hodcroft de l’Université de Bâle. L’OFSP devrait donc inclure dans sa campagne de prévention des informations sur la transmission par aérosols. «Il convient de souligner que la transmission du virus dans des pièces fermées et mal ventilées peut également se produire sur une distance de plus de deux mètres.»

Maintien des distances insuffisant

Cette scientifique s’interroge aussi concernant le 1,5 mètre de distance à conserver dans tous les cas. Pour elle, les gens se bercent ainsi dans un faux sentiment de sécurité, du moment qu’ils restent éloignés. En ne mettant pas à jour leurs recommandations, les autorités laissent les gens se retrouver dans des situations où le virus peut facilement se transmettre. Emma Hodcroft n’est pas la seule à penser ainsi.

La professeure d’épidémiologie Olivia Keiser, de l'Université de Genève, va dans le même sens. Elle affirme également que respecter une distance de 1,5 mètre n’est pas suffisant dans un espace clos. Cela se remarque avec les événements où une superpropagation a eu lieu. Mais aussi par le fait que le lieu de contamination est très souvent inconnu, même après le traçage des contacts. «L’OFSP devrait rectifier son angle d’approche et considérer enfin le problème des aérosols», déclare-t-elle, ajoutant que l’obligation de porter un masque dans tous les lieux clos est logique, tout comme la forte recommandation au télétravail.

Dans les bureaux, comme dans les écoles, il n’y a toujours pas d’obligation de porter un masque à l’échelle du pays. «Rester assis dans une salle de classe pendant des heures sans masque peut contribuer à la propagation du virus, notamment à cause des aérosols.» Il est donc d’autant plus important d’aérer régulièrement.

Zone d’ombre

L’OFSP admet qu’on ignore combien d’infections se sont produites alors que la distance entre deux personnes était de plus de 1,5 mètre. Cependant, la Confédération ne change pas son angle d’approche. Comme l’a déclaré mardi Stefan Kuster, chef de la division Maladies transmissibles de l’OFSP, l’obligation élargie de porter des masques n’est pas une réaction aux infections causées par les aérosols. L’objectif premier est de prévenir l’infection par les gouttelettes dans les pièces intérieures.

«Les aérosols jouent probablement un rôle dans la transmission, mais l’OFSP ne considère pas que cela soit assez significatif pour s’y intéresser», explique Stefan Kuster. Un patient atteint de rougeole infecte 18 autres personnes, alors que le Covid-19 en contamine actuellement 1,6. En reconnaissant toutefois que le coronavirus est entouré d’une zone d’ombre.

Un renversement de situation n’est toutefois pas à exclure. L’OFSP a commandé un nouveau rapport sur le sujet à la task force scientifique Covid-19 de la Confédération. Son chef, Martin Ackermann, a déclaré en fin de semaine dernière qu’il y avait de nouvelles données. Elles seront «mises à la disposition de l’OFSP très rapidement». Le groupe de travail communiquera de plus amples informations vendredi.

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