Dispositifs piégés à GenèveLe maître chanteur demande à présent 24 millions à Patek
Le concepteur des engins explosifs a envoyé une nouvelle lettre à la manufacture horlogère. Ses exigences se heurteraient à des impossibilités techniques.

Le 25 novembre, une boîte aux lettres piégée avait explosé à la Petite-Boissière, blessant grièvement une enfant de 12 ans, fille d'un employé de Patek Philippe.
20min/lhuL’individu qui dépose des dispositifs piégés à Genève et rançonne Patek Philippe depuis neuf mois fait monter les enchères. Mardi, une nouvelle lettre, postée depuis Genève, est arrivée à la manufacture horlogère. Elle a provoqué l’intervention des pompiers et du Nedex (l’unité de déminage de la police) et créé l’émoi parmi les employés. Cette fois, l’auteur exige le versement d’environ 24 millions de francs en cryptomonnaie. Dans sa missive précédente, reçue le 28 novembre par un administrateur de la société, il ne demandait «que» 20 millions d’euros – après en avoir réclamé 5, puis 10.
«Un délai en réalité identique» aux précédents
Dans sa lettre de mardi, le criminel, qui a pour habitude de fixer des délais très courts puis de se donner le temps qu’il veut pour passer à l’acte, se dit exceptionnellement prêt à accorder à Patek un ultimatum plus long. Or, selon une source proche du dossier, il n’en est rien: «il a fixé un délai en réalité identique, voire carrément plus court qu’auparavant». Sa requête pose semble-t-il un autre problème conséquent: «après vérifications, il s’avère qu’il est matériellement impossible de verser les montants exigés par l’auteur.» Les impossibilités sont d’ordre technique, liées au flux qu’autorise le Monero, la cryptomonnaie choisie, mais aussi bancaires.
«Concessions» possibles «quand la vie d'innocents est menacée»
«Soit l’auteur l’ignorait, et dans ce cas, il devrait envisager et proposer un autre mode de paiement, soit il le sait pertinemment, mais alors cela signifie qu’il n’est pas motivé par l’argent et ne recherche en réalité qu’un prétexte pour légitimer sa violence.» Cet élément viendrait confirmer l’analyse des enquêteurs qui, la semaine passée, évoquaient déjà l’idée que l’argent ne soit pas le seul moteur de l’auteur. Est-ce à dire que Patek a, par le passé, tenté de payer? «Céder au chantage est contraire aux valeurs de la société, mais quand la vie d’innocents est menacée, certaines concessions deviennent moralement acceptables», commente une source.
«Le paiement a très probablement été étudié»
Celle-ci juge que «le paiement a très probablement été étudié mais, pour de multiples raisons, il s’est avéré techniquement irréalisable s’agissant de montants aussi élevés, encore plus dans des délais aussi courts.» Selon cet interlocuteur, «si l’auteur avait donné la possibilité d’échanger avec lui, Patek aurait pu le lui faire savoir et d’autres options auraient pu être explorées. Le plus rageant dans tout ça, c’est que depuis le début, il est pris au sérieux. Il n’aurait probablement pas eu besoin de repasser à l’acte s’il avait été possible de communiquer avec lui.»
Neuf mois, quatre mécanismes criminels
L’affaire a débuté en avril à Plan-les-Ouates: un pistolet conçu via une imprimante 3D, caché dans une boîte à lait, tire. Pas de blessé. Puis, en août, à Saint-Jean, un sac-poubelle posé devant la porte d’une famille explose. Le père, employé de Patek Philippe, est blessé aux jambes. En novembre, une boîte aux lettres explose à Grange-Canal, blessant gravement une fillette. Patek emploie son père. Puis vient le cas du 22 janvier, au centre-ville: un colis piégé a été trouvé dans la boîte aux lettres de BfB, la fiduciaire de Patek. Plusieurs demandes de rançon ont ciblé la manufacture horlogère. Dans le cas initial, Migros avait été visée.