Changement de sexe à l’état civilEchapper à l’armée pour 75 fr. sera possible… en théorie
Dès le 1er janvier, le sexe pourra être modifié plus facilement dans les registres de l’État. Certains craignent des abus de la part des demandeurs, d’autres de la part des officiers d’état civil.

Julian devient Julia: dès le 1er janvier, toute personne ayant la «conviction intime» qu'elle n'appartient pas au sexe inscrit dans le registre d’état civil pourra faire modifier ce dernier tout comme son prénom pour 75 francs. Jusqu'à présent, ces personnes devaient passer par la case tribunal pour une telle démarche.
Sur les réseaux sociaux, certains se sont demandés si un homme pourra à l’avenir «devenir une femme» afin d'éviter le service ou la taxe militaire. «À 30 ans, on retourne changer son nom en homme et le tour est joué. Cela permettrait d’économiser des milliers de francs. On s’en sortirait avec 150 francs», écrit ainsi un internaute.
Stefan Hofer, porte-parole de l’armée, confirme que le scénario est envisageable. Il rappelle cependant que l’inverse est aussi possible. Un jeune homme de 17 ans qui aurait changé de sexe devrait ainsi se présenter au recrutement.
«Scénarios pas réalistes»
«Ce genre de scénarios ne sont pas réalistes», conteste Alecs Recher du Transgender Network Switzerland (TGNS). «Imaginez ce que cela représenterait concrètement pour les personnes en question: elles devraient faire leur coming-out auprès de leur famille, leur lieu de travail, leurs assurances sociales. Tout cela sera lié à des attentes concrètes sur la manière dont ces personnes devront vivre leur vie avec leur nouveau sexe.»
Alecs Recher note par ailleurs que les personnes faisant changer leur sexe à l’état civil risquent de s’exposer à de la discrimination ou à de la violence. Selon lui, se poser la question des abus illustre l’ignorance dont sont victimes les personnes trans dans leur quotidien.
Des abus aussi dans l’autre sens
L’Office fédéral de la justice rappelle aussi que «l’officier de l’état civil doit refuser les déclarations manifestement abusives ou de personnes dénuées de capacité de discernement». Le document publié par la Confédération au moment d’annoncer l’entrée en vigueur de la nouvelle loi indique que l’abus doit «sauter aux yeux» et que le refus ne doit être donné qu’en présence d’un «élément tangible, comme lorsque la personne concernée reconnaît devant l’officier déposer une déclaration par plaisanterie, dans un but frauduleux ou de toute autre manière non sincère», dit l’Office fédéral de la justice.
Séminaire de formation
Là aussi, des abus ne peuvent donc être exclus. En fonction de leur subjectivité ou de possibles positions transpohobes, ceux-ci pourraient tout aussi bien rejeter les demandes de personnes qui veulent changer de sexe pour des raisons légitimes. Ces dernières peuvent néanmoins faire recours en pareil cas.
«Un séminaire de formation a été organisé fin octobre pour toutes les autorités cantonales de surveillance de l'état civil (qui sont responsables de l'éducation et de la formation des personnes travaillant à l'état civil) en Suisse. Lors de cet événement, les autorités cantonales ont été informées des nouvelles tâches. Chaque canton est désormais chargé de former ses officiers d'état civil en conséquence», indique l’Office fédéral de la justice.
La retraite un an plus tôt
Sur le Net, d’autres personnes se demandent quel sera l’impact du changement de sexe facilité à l’état civil sur la retraite: «Des gens pourraient se déclarer femme juste avant la retraite et partir un an plus tôt.» Michel Montini, de l'Office fédéral de la justice, confirme que cela est en effet possible: «Un homme célibataire qui se déclare femme peut, par exemple, toucher une rente AVS dès l'âge de 64 ans.»