Ecole de commerce: «Nous ne savons pas comment évaluer nos élèves»

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École de commerce (GE)«Nous ne savons pas comment évaluer nos élèves»

Le syndicat des enseignants genevois est inquiet. Il assure que les maîtres n’ont pas été formés à la réforme du CFC d’employé de commerce, et naviguent à vue. 

Le Collège et école de commerce André-Chavanne, l’un des six établissements concernés par la réforme.

Le Collège et école de commerce André-Chavanne, l’un des six établissements concernés par la réforme.

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«Nous n’avons aucune idée des compétences que doivent avoir acquises les élèves en fin d’année. Et nous n’avons aucune idée de la manière dont nous devons les évaluer.» Waël Almoman, membre du bureau de l’Union du corps enseignant secondaire genevois (le syndicat des maîtres), a tiré, très fort, la sonnette d’alarme ce mardi. La réforme du CFC d’employé de commerce est entrée en vigueur à la rentrée, et les professeurs sont très inquiets pour les adolescents dont ils ont la charge.

«Un gâchis épouvantable»

La refonte de la formation, décidée au niveau fédéral et désirée par les employeurs, n’est pas contestée par les enseignants. «Il fallait réformer, estime Kevin Udrisard, membre de l’Union et président de l’association des maîtres du Collège et école de commerce André-Chavanne. Mais on est très déçus que cela ait été fait dans une urgence aussi folle. C’est un gâchis épouvantable.» Alors que, assure-t-il, d’autres cantons, Vaud par exemple, se seraient mieux préparés.

Une vraie révolution

En substance, ladite réforme est en fait une vraie révolution, puisqu’elle bouleverse la manière d’enseigner. Fini l’apprentissage par disciplines étanches, les élèves apprennent par compétences (moi et l’équipe, moi et l’entreprise, moi et la clientèle, etc.). Les diverses matières, telles que le français, les langues et les maths, elles, sont abordées en situation à l’intérieur de ces modules.

Problème, «le programme n’a été conçu qu’en janvier 2023», assure Waël Almoman. Par conséquent, les enseignants n’ont pas pu être formés sur les contenus, que beaucoup maîtrisent mal. «L’idée, c’était d’en finir avec le professeur qui lit un manuel, explique Kevin Udrisard. Mais on se retrouve avec un maître de mathématiques qui aborde la création de logos, un de français qui parle de compétences numériques, un d’économie appelé à évoquer l’art. Résultat: les enseignants sont perdus car les contenus sont trop loin de leurs compétences. Ils n’ont finalement que deux ou trois semaines d’avances sur leurs élèves», qu’ils essaient tant bien que mal «d’accompagner».

«On veut des formations»

Pour Waël Almoman, la situation confine au mobbing structurel. «L’une de ses définitions, c’est confier à un employé des tâches pour lesquelles il n’est pas qualifié.» Un mois après le début des cours, l’Union réclame donc des solutions rapides: «On veut une grille d’évaluation, idéalement une série zéro pour les examens, des objectifs à atteindre, du temps pour réfléchir à la manière d’enseigner les contenus, et des formations sur ces contenus. Il faut vite débloquer des moyens pour réfléchir, dès maintenant, à la 2e année.» 

Le Département au soutien des maîtres

Le Département de l’instruction publique a déclaré ce mardi être «conscient de l’effort demandé» et du «calendrier serré» imposé aux enseignants. Il indique «rester à leur écoute» et «salue leurs efforts». Il souligne que la réforme a été demandée dans un délai très court par Berne – elle n’a officiellement été décidée qu’en 2021. «L’inquiétude de certains enseignants dépasse d’ailleurs largement les frontières cantonales.» Des mesures immédiates de soutien ont été décidées: tous les maîtres recevront une version papier du manuel cette semaine (ils ne disposaient jusqu’alors que d’un accès en ligne instable); trois formations continues seront proposées d’ici octobre; des équipes de «teamleaders» ont été instaurées dans chaque établissement; et des plateformes d’échange visant au partage des bonnes pratiques et à la résolution des problèmes seront mises en place «ces prochains jours». 

 

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