Élections fédérales 2023Les élections ne changent in fine pas grand-chose
Une analyse statistique des dernières «courses» au Conseil national reflète que, au XXIe siècle, les évolutions sont minimes.

Après une élection au Conseil national, trois quarts des élus retrouvent leur siège.
www.parlament.chLe premier parti de Suisse n’est autre que celui des abstentionnistes. Un choix souvent justifié par: «Voter ne sert à rien!» Bien qu’inexacte, cette affirmation n’est toutefois pas dénuée de vérité. En effet, depuis le début du XXIe siècle, les Suisses ont été appelés aux urnes pour des élections fédérales à cinq reprises: en 2003, 2007, 2011, 2015 et 2019. Et l’analyse des résultats pour le Conseil national reflète que, s’il y a bien eu quelques évolutions, celles-ci sont minimes.
En moyenne sur les cinq scrutins, 74,7% des élus étaient des sortants. Autrement dit, trois députés sur quatre (soit 150 sur 200) ont simplement retrouvé le siège qui leur appartenait. «Le bonus aux sortants est un phénomène connu en Suisse et à l’international. Un élu aura toujours plus de chances qu’un nouveau venu. Néanmoins, il serait quand même préférable d’avoir davantage de sang frais, pour éviter que les politiciens forment une caste éloignée des préoccupations des citoyens. Il n’y a aucun mal à se faire réélire une fois. Mais si un politicien colle à son siège pendant vingt ans, on peut se poser des questions quant à sa légitimité», tance Anke Tresch, politologue à l’Unil.
Pas un camp vert en Suisse
Du côté des partis, l’équilibre des forces entre la gauche et la droite n’a pratiquement pas bougé entre 2003 et 2019. Lors des premières élections du siècle, le PS et les Verts avaient un total cumulé de 31,3%. En face, l’UDC, le PLR et le PDC/Le Centre totalisaient 61,54%. Seize ans plus tard, socialistes et verts étaient crédités de 30,36% des voix (-1%). Et, à droite, les trois partis mentionnés plus le PVL (apparu entre temps) ont récolté 59,88% (-1,66%). La différence est donc négligeable. «En comparaison avec d’autres pays, la stabilité est supérieure ici. Et les rares transferts de voix se font surtout à l’intérieur des blocs. On constate très peu de transferts d’idéologie», poursuit Anke Tresch.
En outre, la différence la plus notoire dans la composition du Parlement, c’est que la gauche et la droite ont un peu viré écolo. Les Verts et le PVL ont en effet tous deux gagné du terrain, au détriment des grands partis traditionnels. «Mais cela ne se ressent que sur certains dossiers, tempère Anke Tresch. Les Verts et les Verts’libéraux partagent un certain nombre de thématiques. Mais, pour d’autres, c’est davantage la vision gauche-droite qui prime. Il n’y a pas en Suisse de nouveau camp vert.»
Système trop complexe
«L’abstentionnisme est très élevé en Suisse. C’est probablement parce qu’on a la chance de vivre dans une démocratie directe. On peut donc toujours corriger le tir par la suite, en votations. Revers de la médaille, cela peut donner l’impression que les élections ne servent à rien», estime Anke Tresch. L’experte constate aussi que de nombreux électeurs considèrent que le système est trop complexe et finissent par s’autocensurer. «C’est le cas d’un certain nombre de jeunes, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne s’intéressent pas à la politique. C’est surtout les jeux entre partis qui ne les intéressent pas. On voit en revanche que sur des questions concrètes, comme le climat, la jeune génération s’implique volontiers.»
Croissance continue du nombre de femmes
À l’exception du scrutin de 2011, le nombre de femmes au Conseil national a toujours grandi d’élection en élection. Ainsi, elles étaient 52 (sur 200 élus) en 2003, mais 84 en 2019 (+32). «Ce serait une erreur de penser que cette augmentation est automatique. Rien n’est jamais garanti. Même le bond en avant de 2019 n’est que le résultat de la stratégie des partis, pour promouvoir les candidatures féminines. À gauche en particulier, on a veillé à les mettre dans une bonne place sur les listes. Un peu moins à droite. De plus, les candidatures ne tombent pas de nulle part. Il faut des modèles et des bonnes conditions pour se présenter et se faire élire.»