La mémoire de Franco divise encore le pays, 50 ans après sa mort

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EspagneLa mémoire de Franco divise encore le pays, 50 ans après sa mort

L'Espagne célèbrera tout au long de l'année le 50e anniversaire de la mort du dictateur Francisco Franco et le début de la transition vers la démocratie.

Au terme d'une guerre civile qui dura trois ans (1936-1939) et fit plusieurs centaines de milliers de morts, le général Franco, alors allié du régime nazi, gouverna l'Espagne d'une main de fer pendant 36 ans.
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Au terme d'une guerre civile qui dura trois ans (1936-1939) et fit plusieurs centaines de milliers de morts, le général Franco, alors allié du régime nazi, gouverna l'Espagne d'une main de fer pendant 36 ans.

AFP

Les célébrations pour le 50e anniversaire de la mort du dictateur Francisco Franco et le début de la transition vers la démocratie, une initiative du gouvernement de gauche, divisent profondément la classe politique espagnole.

L'opposition de droite a ainsi décidé de boycotter, mercredi, la première des cérémonies organisées par l'exécutif du Premier ministre Pedro Sánchez, illustrant le fait que les plaies sont encore loin d'être refermées, près d'un demi-siècle après la fin du franquisme. Au terme d'une guerre civile qui dura trois ans (1936-1939) et fit plusieurs centaines de milliers de morts, le général Franco, alors allié du régime nazi, gouverna l'Espagne d'une main de fer pendant 36 ans.

Pedro Sánchez, un socialiste, avait annoncé en décembre cette initiative, indiquant qu'elle avait pour «objectif unique» de «mettre en valeur la grande transformation réalisée durant ce demi-siècle de démocratie». Il avait mentionné «plus d'une centaine d'évènements», indiquant qu'ils auraient pour cadre «nos rues, nos écoles, nos universités et nos musées». Le programme complet n'a pas encore été rendu public.

Boycott d'une partie de la classe politique

Présidée par Pedro Sánchez, la première cérémonie aura lieu mercredi au musée national Reina Sofía de Madrid, qui abrite le célèbre tableau de Pablo Picasso «Guernica», l'un des plus grands symboles de la lutte antifranquiste. L'initiative du Premier ministre n'a toutefois pas enthousiasmé le reste de la classe politique. Alberto Núñez Feijóo, le leader du Parti populaire (PP), la principale formation de l'opposition de droite, considère ainsi qu'elle relève de l'opportunisme politique et a pour seul but de détourner l'attention de l'opinion des déboires de Pedro Sánchez.

Ce programme émane d'un gouvernement «qui, dans son désespoir, regarde constamment vers le passé», a déclaré Alberto Núñez Feijóo, qui a décidé de ne pas assister à la cérémonie de mercredi. Les socialistes expliquent cette réaction par les origines du PP, héritier d'un parti (Alliance populaire) fondé en 1976 par un ancien ministre de Franco.

Le «désespoir» auquel se réfère Alberto Núñez Feijóo est une allusion à la fois aux affaires judiciaires pour corruption concernant plusieurs membres de l'entourage de Pedro Sánchez, dont sa femme, et à sa situation politique délicate au Parlement, où il n'a pas de majorité et doit marchander le soutien de petits partis régionaux pour faire approuver le moindre projet de loi.

Des tortionnaires encore en vie

Comme le PP, le parti d'extrême droite Vox, troisième force du pays avec 33 députés, boycottera la cérémonie. Mais les critiques contre l'initiative de Pedro Sánchez sont aussi venues de l'extrême gauche, qui y voit une «tromperie» pour masquer le fait que l'Espagne, selon elle, n'a pas fait grand-chose en guise de réparations pour les victimes de la dictature.

Pedro Sánchez a fait voter en 2022 une «loi de mémoire démocratique», qui prévoit notamment la création d'un registre des victimes du franquisme et le retrait des symboles de la dictature. Mais la loi n'a pas permis de juger les tortionnaires encore en vie, qui bénéficient de la loi d'amnistie votée durant la transition vers la démocratie.

L'héritage politique de Franco et la guerre civile continuent de diviser l'opinion publique espagnole. Pour Joan María Thomás, professeur d'histoire contemporaine à l'université Rovira i Virgili, en Catalogne, et spécialiste du franquisme, cela est dû au fait que la fin de la dictature en Espagne n'a pas été «brutale, comme celle des dictatures portugaise, allemande ou italienne».

Une «mesure positive»

Franco est mort paisiblement le 20 novembre 1975, à l'âge de 82 ans dans un hôpital de Madrid, après une longue agonie. Deux ans plus tard, l'Espagne célébrait des élections démocratiques et, en 1978, la Constitution actuelle était adoptée par référendum. «Il y a eu un grand accord, mais cet accord fut pour regarder vers l'avenir», sans s’appesantir sur les injustices du passé, déclare Joan María Thomás.

Mais il existe en Espagne «une autre mémoire, celle de la partie du pays qui fut franquiste, et qui fut une partie considérable», a-t-il poursuivi. Se souvenir de la mort de Franco est une chose «positive», dans la mesure où les Espagnols «ne se rendent pas bien compte de l'importance d'avoir recouvré un régime démocratique et d'avoir été capables de le consolider».

(afp/er)

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