Faillite de Pimkie SuisseEn pleurs, elles racontent comment «on les a détruites»
Trois ex-employées reviennent sur le cauchemar d’avoir été mises à la porte, sans salaire, quatre jours avant Noël. Jeudi, elles ont enfin réussi à obtenir leur lettre de licenciement.

Giorgie, Laurence et Emelyne (de gauche à droite), ont témoigné jeudi dans les locaux de Syna pour dénoncer la situation.
lhu«Je ne mange plus. Je ne dors plus. Ils nous ont détruites», confie Emelyne, entre deux sanglots. Jeudi, trois anciennes salariées de la filiale suisse de Pimkie ont raconté l’enfer qu’elles vivent depuis mardi. Ce jour-là, la directrice générale leur a annoncé la liquidation de la société et a pris congé d’elles… sans salaire pour le mois de décembre. Plus encore. L’entreprise a officiellement fait faillite le 17 décembre. «Ils ont continué de nous faire travailler, alors qu’ils savaient que c’était fini», s’est insurgée Laurence, responsable du magasin genevois, au centre commercial de la Praille, qui comptait cinq employées.
Pas accès au chômage
Le personnel de la boutique de Crissier (VD) a connu le même sort cette semaine. Au total, neuf femmes se retrouvent sur le carreau, sans sous pour finir l’année. «On ne sait pas comment on va payer nos loyers, nos factures. Qu’est-ce qui va se passer en janvier. On va arrêter de manger?», s’inquiète Laurence. Car le calvaire ne s’arrête pas là. Virées par téléphone, les employées n’ont jamais reçu de lettre de licenciement. «Tout le monde se renvoyait la balle, expliquant que ce n’était pas à eux de le faire. On était perdues», explique Giorgie, adjointe du magasin à Genève.
Démunies, elles se sont tournées vers le syndicat Syna, qui tente tant bien que mal de récupérer les documents pour permettre à ces femmes d’obtenir le chômage. Après maintes appels et un ultimatum, les lettres de licenciement ont finalement été envoyées jeudi peu avant midi. Mais d’autres documents manquent à l’appel. «Elles ont pu s’inscrire au chômage, mais elles ne peuvent pas encore toucher les prestations,car leurs dossiers ne sont pas complets», explique Komla Kpogli, secrétaire régional.

Sous le coup de la colère, après l’annonce de son licenciement, l’une des employées a laissé un mot sur la grille de la boutique, au centre commercial de la Praille.
Instagram«Voyoucratie patronale»
«Il faut une prise de conscience collective», estime Fabrice Chaperon, responsable régional Syna Genève. En effet, le syndicat dénonce la «voyoucratie patronale transfrontalière» de Pimkie, coutumière de ce genre de pratiques dont elle a fait usage en Allemagne, en Autriche, en Espagne et plus récemment en Belgique, où «l’entreprise a mis pratiquement 130 employés à la porte. Trois mois après, elle rouvrait une franchise», raconte Komla Kpoglia.
Problème: légalement, les salariées n’ont aucun moyen de réclamer de l’argent à une société qui a fait faillite. Aussi, le syndicat s’attaque au propriétaire de l’enseigne: la famille Mulliez. «Nous exigeons le versement immédiat des salaires de décembre. Pour cela, nous allons continuer de faire pression, de les harceler et nous allons nous organiser avec des syndicats de pays voisins. Cette situation ne peut pas continuer», prévient Syna.
Le mail boulette
La filiale suisse de Pimkie battait de l’aile. Ce n’était pas un secret. Ce qui l’était en revanche, c’est la fermeture prévue bien avant le mise en faillite. Début décembre, lors d’un échange de mails avec Laurence, un collaborateur en France lui a appris que les magasins helvétiques étaient voués à disparaître. «À partir de ce moment-là, on savait que cela pouvait arriver à tout moment, détaille Laurence. Mais jamais je n’ai imaginé qu’ils le feraient de cette manière.»
Pour Giorgie, le pire a été de devoir cacher la vérité au reste de l’équipe. «Ils nous ont interdit de le dire aux autres. Mais on a tenu 24 heures. Ce n’était pas possible autrement. Il fallait qu’elles sachent.» Elle aussi peine encore à trouver ses mots pour exprimer son désarroi. «Ils nous ont tout pris. Notre Noël, notre salaire, notre chômage.»
Contacté, le responsable des boutiques Pimkie Suisse n’a pas répondu à nos appels.