États-UnisDes milliers d’Ukrainiens redoutent d’être expulsés par Trump
L'administration américaine a suspendu un programme humanitaire profitant à de nombreux Ukrainiens, aux États-Unis, qui craignent aujourd'hui de devoir plier bagage.

Ester Miroshnychenko a commencé à construire sa vie en Californie et craint de devoir retourner en Ukraine.
AFPFace à l’invasion de leur Kharkiv natale par les troupes russes, Nikita et Alina ont fui l’Ukraine en février 2023, avec leur fille de cinq ans, pour se réfugier en Californie. Mais depuis que Donald Trump est revenu au pouvoir, ils craignent de ne plus être les bienvenus. Car son administration a suspendu le programme humanitaire qui a permis à plus de 200'000 Ukrainiens en détresse d’être accueillis aux États-Unis depuis trois ans.
«Si le nouveau gouvernement l’annule, nous perdrons tout, une fois de plus, et nous repartirons à zéro», souffle Nikita Demidov, installé à San Diego, où il a fondé une entreprise de maisons préfabriquées. Le couple a «des papiers, un numéro de Sécurité sociale, un permis de travail», insiste cet homme de 39 ans auprès de l’AFP.
Mais cette sécurité apparente, offerte par l’ex-président Joe Biden aux Ukrainiens déplacés par la guerre, est menacée par la vaste offensive anti-immigration promise de longue date par Donald Trump. Le milliardaire républicain a ordonné l’annulation des programmes offerts par son prédécesseur aux migrants du Venezuela, de Cuba et du Nicaragua, considérés comme des régimes autoritaires.
«Si je dois tout quitter, ce sera vraiment difficile pour moi. Ce sera comme si tout ce que j’ai accompli allait être détruit»
Et avec la suspension de celui grâce auquel les Ukrainiens sont accueillis, ils craignent également que leur protection légale ne vole en éclats. «Ce programme donnait aux Ukrainiens une chance de stabilité», estime Ester Miroshnychenko, une adolescente de 18 ans qui a immigré avec ses parents et ses huit frères et sœurs. «Si je dois tout quitter, ce sera vraiment difficile pour moi. Ce sera comme si tout ce que j’ai accompli allait être détruit», craint la lycéenne, qui a appris l’anglais depuis son arrivée aux États-Unis.

Ester Miroshnychenko a peur.
AFPLa jeune femme aimerait que le gouvernement pense «aux gens qui ont travaillé dur, qui ont tout laissé derrière eux et qui trouvent toujours la motivation de continuer, même après la guerre». «Leur retirer ces opportunités (...), pour quoi ?», s’interroge-t-elle.
«Le peuple américain est heureux de nous avoir ici. Mais au plus haut niveau, je ne comprends pas très bien ce qui se passe. (...) Ça me fait peur»
Pour beaucoup, la soudaine intolérance de Washington est en total décalage avec leur quotidien aux États-Unis. «On ne le sent pas de la part des gens ordinaires», reprend M. Demydov. «Le peuple américain est heureux de nous avoir ici. Mais au plus haut niveau, je ne comprends pas très bien ce qui se passe. (...) Ça me fait peur.»
«Les gens sont très inquiets», confirme Vlad Fedoryshyn, un volontaire chargé d’aider les Ukrainiens arrivés dans le cadre du programme humanitaire. Il reçoit actuellement entre 20 et 30 appels par jour d’immigrés préoccupés. À cause de la suspension du programme, nombre d’entre eux n’arrivent pas à renouveler leur autorisation de travail ou voient leurs autres procédures migratoires paralysées.
«Lorsque le gouvernement vous dit qu’il n’y aura plus de programme pour vous, qu’est-ce que ça signifie ? (...) Dois-je retourner en Ukraine?», s’alarme M. Fedoryshyn, lui-même arrivé en 2020 aux États-Unis. Ses compatriotes, pour qui «il a été très difficile de louer un appartement, de trouver un emploi, de s’installer ici (...), commencent à se sentir en danger», témoigne le jeune homme de 26 ans.
«Nous voulons simplement être en sécurité»
Pour lui, l’administration Trump ne comprend pas la réalité du terrain en Ukraine, où les civils meurent fréquemment sous les bombardements russes. Il est bouleversé par le revirement soudain des États-Unis, symbolisé par la violente altercation entre Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky, à la Maison-Blanche, fin février.

Vlad Fedoryshyn a failli pleurer quand il a vu la rencontre Trump-Zelensky à Washington.
AFP«Nous sommes un petit pays», soupire M. Fedoryshyn, qui a appris dans les manuels d’Histoire que l’Amérique était un allié et un protecteur de l’Ukraine. «Nous comptions toujours sur cette protection. Et là, quand Trump parlait au président comme ça, (...) J’ai failli pleurer.»
Le jeune homme a du mal à croire que les autres pays qui ont ouvert leurs portes aux Ukrainiens au début de la guerre soient prêts à accueillir de nouveaux migrants. Et ne veut pas entendre parler de rapatriement. «Qui va vouloir retourner en Ukraine, où la guerre continue, où des missiles peuvent tomber, ou bien un drone peut frapper votre maison à tout moment ?», lâche-t-il. «Nous voulons simplement être en sécurité.»