États-UnisLa stratégie de saturation de Trump pour «noyer» les médias
Des décrets signés à la pelle, des messages sur les réseaux sociaux, des déclarations à l'emporte-pièce... Le président américain sature l'espace médiatique.
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Le scandale d'aujourd'hui fait oublier celui d'hier, selon la stratégie de Trump.
AFPDepuis son retour à la Maison-Blanche le 20 janvier, Donald Trump a multiplié à un rythme effréné les annonces choc, une stratégie destinée à submerger et dérouter ses adversaires, selon des experts. Le président américain a entamé son second mandat pied au plancher avec une série de décrets, dont celui graciant quelque 1270 personnes reconnues coupables de l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021.
Sa première semaine a aussi été marquée par des apparitions médiatiques fracassantes, des noms d’oiseaux et des querelles avec ses adversaires, le lancement d’une cryptomonnaie ou encore des messages sur les réseaux sociaux qui ont fait les gros titres des journaux. «Il ne se contente pas d’inonder l’espace (médiatique), il le noie», estime Evan Nierman, fondateur et directeur général de l’agence spécialisée dans la communication de crise Red Banyan.
«Avec de la merde»
Une référence à Steve Bannon, ancien conseiller de Trump à la Maison-Blanche, qui, affirmant en 2018 que le véritable adversaire du président n’était pas le Parti démocrate, mais les médias, avait dit dans une déclaration restée célèbre: «La manière de s’occuper d’eux, c’est d’inonder l’espace (médiatique) avec de la merde».
Pour Evan Nierman, «c’est une stratégie classique en relations publiques: submerger, distraire et contrôler le récit médiatique avant que d’autres ne puissent le faire. C’est sa manière de faire en sorte qu’aucune controverse ne dure longtemps parce qu’il y en aura toujours une autre pour la remplacer».
Détourner l’attention
Cette stratégie vise à détourner l’attention du public en le bombardant de déclarations à l’emporte-pièce. L’objectif n’est pas de convaincre qui que ce soit, mais d’empêcher les critiques de bâtir un argumentaire cohérent, en s’assurant que personne d’autre ne contrôle le flot d’informations.
Outre les mesures déjà citées, Trump a mis fin dès sa première semaine à toutes les initiatives fédérales estampillées «DEI» («diversité, équité, inclusion»). Il a aussi pris un décret pour remettre en cause le droit du sol – protégé par la Constitution –, accordé un sursis à l’application chinoise TikTok et décidé de renommer le Golfe du Mexique en «Golfe de l’Amérique».
Cette semaine, le président républicain a soulevé un nouveau tollé en ordonnant le gel de milliards de dollars de dépenses publiques «d’assistance» – subventions et allocations notamment. La mesure a finalement été suspendue mardi par un juge, mais cette nouvelle polémique a fait passer au second plan des décisions antérieures du républicain, notamment le licenciement de plusieurs responsables du contrôle de l’action gouvernementale.
«Le scandale d’hier»
Cofondatrice de l’agence d’achat de médias Criterion Global, Katherine Cartwright voit en Trump un vecteur de «trouble du déficit de l’attention», qui paralyse ceux qui sont submergés par les informations. Une autre tactique utilisée par Trump consiste à réserver ses annonces les plus clivantes pour la fin de la semaine, une manière de s’assurer que la polémique retombe rapidement, l’attention du public ayant tendance à s’essouffler le week-end, selon l’experte.
Pete Hegseth, le choix contesté du président américain comme ministre de la Défense, a ainsi été validé vendredi à l’issue d’un vote largement commenté dans les médias, mais son nom a été «effacé des journaux dès lundi matin», constate Katherine Cartwright.
«Trump prospère dans le tourbillon», commente encore Evan Nierman. «Alors que tout le monde s’efforce de digérer le scandale d’hier, lui est déjà passé au suivant». Une stratégie qui n’est pas sans risques, selon lui. «Même ses partisans les plus fidèles peuvent se lasser de cette agitation constante», affirme-t-il. «Et les électeurs indécis pourraient finir par préférer la stabilité au spectacle».