Psychédéliques«Faute de solution médicale, l’ayahuasca m’a sauvé la vie»
Un Vaudois atteint d’une maladie rare causant de terribles douleurs a finalement trouvé l’apaisement dans cette drogue venue d’Amérique du Sud. Son utilisation médicale est encore peu documentée.
Écoutez le témoignage de Juan Pablo sur les épreuves qu’il a traversées, et comment il s’en est sorti.
20min/Robin Baudraz«Il y a deux ans, j’ai ressenti une douleur intense d’un côté du visage. Je suis allé chez le dentiste, pensant avoir une rage de dents. J’ai fini chez un neurologue; il m’a diagnostiqué un syndrome de Sunct, une maladie rare et sans traitement connu.»
Ce jour-là, la vie de Juan Pablo a basculé. Atteint désormais de crises de douleur brèves mais extrêmement fréquentes, soit jusqu’à 250 par jour, il a dû cesser de travailler et a vécu l’enfer pendant près de deux ans. «C’était si fort et si omniprésent que j’ai fait une tentative de suicide. Nous étions cinq à avoir été diagnostiqués à peu près en même temps en Suisse: les quatre autres se sont ôté la vie», raconte le trentenaire. Un phénomène connu pour d’autres maladies cousines, explique Philippe Ryvlin, chef du département des neurosciences cliniques du CHUV: «On les appelle suicidal headache, car elles sont liées à un fort taux de suicide. Cet effet est moins connu pour le Sunct.»
Désespéré mais soutenu par l’association Opis, qui lutte pour accorder une plus grande attention aux souffrances intenses, Juan Pablo a donc fait ses recherches et exploré des voies moins conventionnelles. «J’ai lu que le LSD était utilisé contre certaines migraines, alors j’ai essayé. Cela me soulageait, mais seulement tant que la substance était active. Puis j’ai testé l’ayahuasca. C’est dégueulasse, mais ça m’offre trois semaines de répit après chaque prise. Ça m’a sauvé la vie.» L’automédication du trentenaire est en place depuis huit mois, sans signe d’accoutumance ni d’addiction.
Les psychédéliques débarquent en médecine
«Je ne peux que me réjouir que ce patient ait trouvé quelque chose qui l’aide», réagit Philippe Ryvlin. Seul hic: l’ayahuasca est illégale en Suisse. Juan Pablo, lui, a trouvé un filon qui joue sur une zone grise de la loi, mais préfère rester discret. «En tant que médecin, on ne peut évidemment pas la prescrire, rappelle le neurologue. Mais on peut jouer un rôle dans l’information du patient.» Le cadre de la recherche, plus ouvert, pourrait permettre des expérimentations, moyennant beaucoup d’efforts et de zèle de la part d’un médecin ou d’un chercheur. Rien n’a été lancé en Suisse dans ce domaine pour le moment.