Perpétuité requise contre le meurtrier de Chahinez, brûlée vive

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Féminicide en FrancePerpétuité requise contre le meurtrier de Chahinez, brûlée vive

Mounir Boutaa est accusé d'avoir tiré sur sa femme avant de la brûler alors qu'elle était encore en vie. Le Parquet a requis la réclusion criminelle à perpétuité.

Chahinez Daoud, 31 ans, avait trois enfants.

Chahinez Daoud, 31 ans, avait trois enfants.

AFP

La réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de 22 ans, a été requise vendredi à Bordeaux contre Mounir Boutaa pour «l’assassinat» il y a quatre ans de son épouse Chahinez Daoud, brûlée vive devant chez elle à Mérignac près de Bordeaux.

Le 4 mai 2021, ce maçon franco-algérien avait tiré au fusil dans les jambes de la victime, avant de l’asperger d’essence et de mettre le feu, dans un «acharnement meurtrier destiné à exterminer» qui a marqué «profondément toute notre société», a déclaré l’avocate générale Cécile Kauffman devant la Cour d’assises de la Gironde, où des militantes féministes ont manifesté toute la semaine.

Il voulait «lui faire la peur de sa vie»

Caché depuis l’aube dans un fourgon inconnu de la victime et aménagé pour observer sans être vu, Mounir Boutaa avait épié toute la journée les allées et venues de la jeune femme de 31 ans, avec laquelle il s’était marié en 2015, avant de passer à l’acte en fin d’après-midi.

Tout au long des débats entamés lundi, l’accusé de 48 ans a maintenu qu’il voulait «lui faire la peur de sa vie» mais sans la tuer, convaincu qu’elle lui était infidèle – ce qu’aucun élément de l’enquête n’a confirmé.

La mort de Chahinez, «c’était pas moi, c’était mon corps, pas mon esprit», a-t-il plusieurs fois répété. «Bien sûr que je regrette», «je l’aimais», a-t-il fini par lâcher jeudi, sans s’excuser, pressé par l’une de ses avocates, Me Elena Badescu.

«Tuer parce qu’on aime à la folie est une aberration»

Avocate générale

«Tuer parce qu’on aime à la folie est une aberration», a cinglé l’avocate générale, dépeignant un homme «jaloux pathologique, manipulateur, dépourvu d’empathie». «Chahinez était bien vivante quand cet homme a allumé le feu», «son corps a brûlé à 85%», a ajouté la magistrate, alors que la famille de la victime venait de quitter la salle, en pleurs, quand elle a commencé à rappeler les faits. Durant l’instruction comme dans son box, l’accusé a clamé sa certitude de l’existence d’un «amant», déplorant qu’il ne soit pas présent à l’audience et criant au complot.

«Paranoïaque» aux «traits narcissiques», celui qui a raconté aux médecins avoir été violé enfant, sans le confirmer à la barre, avait basculé petit à petit «dans une pathologie psychotique», faisant de sa conjointe «la cause de tous ses maux», selon les experts psychiatriques qui ont conclu durant l’instruction à l’altération de son discernement, ce qui peut limiter la peine à 30 ans de réclusion.

Téléphone et compte Facebook

L’avocate générale a retenu aussi l’altération mais a requis «d’écarter cette diminution de peine» en raison de «la dangerosité de cet homme», de son «incapacité à se réinsérer». La victime, mère de trois enfants dont deux issus d’une première union, «vivait dans la peur» et se savait condamnée, ont témoigné des amies. Son téléphone était vérifié, son compte Facebook contrôlé et ses papiers administratifs déchirés par son mari pour l’empêcher de travailler.

Elle «n’avait aucune liberté, sauf de se déplacer en sa compagnie (...) Il voulait tout maîtriser: la façon de s’habiller, la façon de cuisiner», a dénoncé une sœur de Chahinez Daoud. L’ancienne épouse de Mounir Boutaa a raconté à la Cour avoir subi «gifles, coups de pied, insultes», et une emprise similaire.

«Une battante»

Me Julien Plouton, avocat de la famille Daoud, a fait de l’accusé une «figure emblématique» des auteurs de féminicides, au «cheminement typique», passant «d’un amour surdimensionné» à la «dévalorisation» de celle qui devint «le diable en personne».

Durant quelques mois d’emprisonnement de son époux pour «violences conjugales» en 2020, Chahinez Daoud était redevenue «sereine», selon ses proches qui l’ont dépeinte comme «une battante», «appréciée de tous» et dévouée «à ses enfants». Un mois et demi avant sa mort, elle avait déposé une nouvelle plainte contre celui qu’elle cherchait à quitter.

Mais celle-ci fut mal enregistrée par un policier qui venait lui-même d’être condamné pour violences conjugales, parmi une série de «défaillances» pointées ultérieurement par une enquête administrative. Pour le père de la victime, Kamel Daoud, sa fille «n’a pas voulu être prisonnière, être un jouet, c’est pour ça qu’elle a été tuée».

(afp/mc)

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