FranceLe Sénat réhabilite les femmes condamnées pour avoir avorté
Une proposition de loi veut faire reconnaître à l'État français les «souffrances» des femmes induites par les lois d'avant la légalisation de l'IVG de 1975.

Le cintre reste, dans l'imaginaire collectif, associé aux avortements clandestins d'avant la loi Veil.
Photo d'illustration/IMAGO/ABACAPRESS«Une démarche mémorielle après des décennies de honte et de silence»: le Sénat français a adopté, ce jeudi à l'unanimité, un texte pour réhabiliter les femmes condamnées pour avoir avorté illégalement avant la dépénalisation de l’IVG. La proposition de loi, qui va maintenant être transmise à l'Assemblée nationale, ne prévoit toutefois pas d'indemnisation.
Cinquante ans après le vote de la loi Veil dépénalisant l’interruption volontaire de grossesse, un an après l’inscription de la «liberté garantie» d’avorter dans la Constitution, les sénateurs ont passé un nouveau message pour reconnaître les «souffrances» des femmes victimes de lois attentatoires à leur liberté.
La proposition de loi du groupe socialiste, portée par l’ancienne ministre des Droits des femmes Laurence Rossignol, entend faire reconnaître à l’État que les lois en vigueur avant 1975 ont constitué «une atteinte à la protection de la santé des femmes, à l’autonomie sexuelle et reproductive» ou encore «aux droits des femmes», et qu’elles ont conduit à «de nombreux décès» et été sources de «souffrances physiques et morales».
«Il faut dire au monde entier qu’il y a des pays qui ne plient pas»
Ce texte, «c’est une façon de dire que la honte doit changer de camp, que ces législations étaient criminelles», a expliqué Laurence Rossignol, qui défend «une démarche mémorielle après des décennies de honte et de silence». «Alors que la défense du droit à l’avortement est remise en cause dans le monde, il faut dire au monde entier qu’il y a des pays qui ne plient pas», insiste la sénatrice.
Sa proposition de loi propose par ailleurs la création d’une commission de reconnaissance du préjudice subi par les femmes ayant avorté, chargée de contribuer au «recueil» et à la «transmission de la mémoire» des femmes contraintes aux avortements clandestins et de ceux qui les ont aidées.
Cette initiative concrétise un appel publié au mois de janvier dans «Libération», au moment des 50 ans de la loi Veil, qui demandait déjà cette réhabilitation. Il était signé par un collectif de personnalités, parmi lesquelles l’écrivaine et Prix Nobel de littérature Annie Ernaux, et les comédiennes Anna Mouglalis et Laure Calamy.
Réparer une injustice
La présidente de la Fondation des femmes Anne-Cécile Mailfert estime que le texte «répare une injustice». «On parle de plus de 11'000 personnes condamnées, c’est essentiel de pouvoir les réhabiliter, de leur dire: ‹On n’aurait jamais dû vous condamner pour avoir exercé votre liberté›», dit-elle.
Les associations de défense des droits des femmes ont salué cette proposition. «C’est un très bon signal: à l’heure où une sage-femme vient d’être arrêtée au Texas pour avoir pratiqué des avortements, la France va exactement dans le sens inverse», a souligné Suzy Rojtman, porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes.
Le texte ne prévoit pas de volet indemnitaire pour porter réparation aux personnes concernées par cette loi. À dessein, «parce qu’il n’y avait pas que des amies des femmes qui ont pratiqué des avortements», note Laurence Rossignol, qui évoque les «mères maquerelles» ou encore les «proxénètes» ayant pratiqué des avortements clandestins.