Procès en FranceExcédée par les cris du bébé, elle l'empoisonne avec du Destop
Une employée de crèche est jugée dès mardi à Lyon pour avoir tué en 2022 un bébé avec un produit corrosif. Un drame pointant les dysfonctionnements des crèches privées.

Le verdict est attendu jeudi (image prétexte.)
AFPAprès avoir présenté plusieurs versions des faits, l’accusée, Myriam Jaouen, âgée aujourd’hui de 30 ans, a reconnu avoir administré au bébé un produit caustique, du déboucheur pour canalisations de type Destop. Ce décès a eu «un effet de sidération» et a participé à révéler «la vulnérabilité des enfants et la fragilité du fonctionnement» des crèches, rappelle l’ex-députée Renaissance Sarah Tanzilli, corapporteuse d’une commission d’enquête parlementaire lancée dans la foulée.
«Excédée par les pleurs de l’enfant»
Le 22 juin 2022, Myriam Jaouen est seule à l’ouverture de la micro-crèche lyonnaise du groupe People & Baby, où elle travaille depuis trois mois seulement. Peu avant 8 h 00, le père de la petite Lisa lui remet la fillette et s’en va. Selon le déroulé des événements retracé par l’enquête, dès 8 h 10 une autre mère venue déposer son enfant découvre la jeune employée paniquée ainsi que l’enfant vomissant, et appelle les secours. Inconsciente à l’arrivée des pompiers, Lisa meurt à l’hôpital après l’échec des efforts de réanimation.
Interpellée dans l’après-midi, Myriam Jaouen assure d’abord que la fillette a ingéré par accident de la peinture noire qu’elle avait sortie pour une activité au sein de la crèche. Pendant sa garde à vue, elle finit par reconnaître les faits: «Excédée par les pleurs de l’enfant, elle l’a aspergé puis lui a fait ingérer un produit caustique», explique alors le Parquet. Elle est mise en examen pour meurtre sur mineur.
Elle assurera par la suite que son acte n’était pas prémédité, qu’elle ne savait pas qu’il s’agissait d’un produit caustique ou encore avoir effectué un geste très rapide. Mais la fillette présentait des brûlures et des lésions tellement importantes que les experts sont convaincus qu’une grande quantité de liquide a été versée, une dose peu compatible avec un geste accidentel.
«Rogner sur la sécurité»
Lors du procès devant la cour d’assises du Rhône, les débats devraient s’attarder sur la personnalité de Myriam Jaouen, une femme immature et tendant à l’affabulation selon des experts. Même si elle n’est pas poursuivie, la responsabilité de la crèche devrait aussi être évoquée, notamment par les avocats des associations Innocence en Danger et Enfant Bleu Enfance Maltraitée, constituées parties civiles.
«Pour que la rentabilité soit maximum» dans une micro-crèche, «il faut rogner sur la sécurité», estime ainsi Me Jean Sannier, qui représente Innocence en Danger. Pour lui, cette logique économique a ouvert «un interstice» et permis l’emploi d’une «salariée fragile, qu’on a recrutée sans regarder vraiment qui elle était».
Lors de l’enquête, plusieurs témoins ont en effet évoqué les problèmes d’effectifs de cette crèche du IIIe arrondissement de Lyon, caractérisés par des absences fréquentes de personnel et un «turn-over important». Ces dysfonctionnements n’étaient pas propres à cet établissement, selon les multiples enquêtes menées après le décès de Lisa.
Course au rendement
Moins de trois semaines après les faits, le gouvernement avait en effet saisi l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). Publié en avril 2023, son rapport décrivait une qualité d’accueil «très disparate» et appelait à de profondes réformes pour mieux prévenir les maltraitances aux enfants. L’Igas pointait notamment trois problèmes structurels: la faiblesse du taux d’encadrement, la pénurie de professionnels et des contrôles insuffisants dans un secteur privé en pleine expansion.
Depuis, trois livres d’enquête journalistique ont mis au jour le fonctionnement de certaines structures privées et dénoncé une course au rendement au détriment des enfants. Quant à la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale, son rapport final épingle un système «à bout de souffle».