Une Porsche vendue 730'000 euros serait une grosse arnaque

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FranceUne Porsche vendue 730'000 euros serait une grosse arnaque

Un collectionneur luxembourgeois a acheté en France une Porsche dite de collection à 730'000 euros. Elle n'en vaudrait que 100'000, selon lui.

L'homme d’affaires luxembourgeois s'était offert une Porsche Carrera 911 2.7 RS Touring datant de 1973 (image d'illustration).

L'homme d’affaires luxembourgeois s'était offert une Porsche Carrera 911 2.7 RS Touring datant de 1973 (image d'illustration).

Getty Images via AFP

Avoir vendu 730'000 euros une Porsche de collection qui n’en vaudrait que 100'000: tel est le soupçon qui pèse sur un concessionnaire du bassin d’Arcachon, en Gironde, accusé par un collectionneur luxembourgeois de «tromperie» et ciblé par une enquête pour escroquerie.

En 2015, cet homme d’affaires ayant fait fortune dans la promotion immobilière s’offre une Porsche Carrera 911 2.7 RS Touring datant de 1973, célèbre modèle de la marque allemande doté d’un aileron arrière en «queue de canard». Le bolide vendu est présenté comme étant d’origine et doté d’un même numéro de série sur les principales pièces de la voiture («matching numbers»). D’après le plaignant, le prix de 730'000 euros est versé pour partie en espèces, à hauteur de 260'000 euros.

«Vous avez acheté une Mercedes, on vous vend une 2CV!»

Me Renaud Semerdjian, avocat du plaignant

Mais ce collectionneur, pris d’un doute, fait inspecter en 2018 le véhicule par le cabinet d’expertise allemand TÜV: selon celui-ci, la voiture est une «réplique» qui ne présente pas des numéros de série identiques – ce qui suppose une moindre rareté, donc une moindre valeur. Il demande alors des comptes au concessionnaire, avant d’engager une procédure civile contre lui et de déposer une plainte pénale auprès du Parquet de Bordeaux en 2019.

«Vous avez acheté une Mercedes, on vous vend une 2CV!», s’indigne l’avocat du plaignant, Me Renaud Semerdjian, du cabinet STAS et Associés. Le collectionneur affirme avoir été informé tardivement du fait que le véhicule avait en outre été «gravement accidenté par le passé». «Accidenté, ce n’est pas établi», répond Me Étienne Riondet, avocat du concessionnaire, balayant un dossier «d’une banalité affligeante», surtout pour «une voiture qui a 50 ou 60 ans». «On dit: "La voiture a 60 ans, mais il y a un truc de travers, etc." Ben oui, il y a des trucs de travers. On a changé des pièces parce qu’effectivement, c’est très, très vieux!», souligne-t-il.

Règlement en espèces

Selon un pré-rapport d’expertise rédigé dans le cadre de la procédure civile, le prix d’un modèle non «matching numbers» serait d’environ 100'000 euros, soit sept fois moins que le montant déboursé par le plaignant, qui réclame 93'000 euros d’indemnisation outre le remboursement de son achat. «Expliquez-moi ce que veut dire "matching numbers", déjà», réplique Me Riondet, assurant que le Code civil ne prévoit pas un tel concept.

Le collectionneur «dit qu’il a payé des sommes importantes en espèces, ce qui est purement faux», déclarent à l’AFP les avocats du concessionnaire, assurant que leur client n’a «jamais accepté» de liquide et dénonçant une «méthode scandaleuse» de la partie adverse, destinée à «nuire». «Depuis 30 ans, notre client a vendu 3000 véhicules avec la plus grande intégrité», insistent-ils. Ils relèvent en outre que le paiement de grosses sommes en espèces est «interdit» par la législation française. Me Renaud Semerdjian, conseil du plaignant, fait valoir de son côté que «les règlements en espèces étaient licites au Luxembourg à cette date».

Information judiciaire pour «escroquerie»

Lors d’une audience, le 18 février, une juge du Tribunal judiciaire de Bordeaux a décidé d’ordonner la rédaction du rapport final de l’expert, sans attendre les assignations de tiers – un musée privé autrichien, d’où venait le véhicule, et un réparateur italien qui l’aurait restauré – demandées par les avocats du concessionnaire. En parallèle, après la plainte déposée en 2019, une information judiciaire a été ouverte pour «escroquerie». Cette enquête pénale est «toujours en cours», a précisé mercredi, à l’AFP, le Parquet de Bordeaux, sans mise en examen à ce stade.

Condamné par le passé

La société du concessionnaire, établie dans une localité cossue du Bassin d’Arcachon, a eu pour actionnaire, jusqu’en 2010, une société basée au Luxembourg, aujourd’hui liquidée, qui avait été créée en 2006 par des sociétés enregistrées aux Seychelles, selon des documents consultés par l’AFP. Il a fait l’objet de plusieurs condamnations dans le passé, notamment pour «dol», pratique qui consiste à obtenir le consentement d’un acheteur par «mensonges» ou «dissimulation» – «en cachant sciemment» à un concessionnaire finlandais, par exemple, «que le véhicule vendu n’était pas "matching numbers"», selon un arrêt rendu en 2022 par la Cour d’appel de Bordeaux.

(afp/mg)

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