Manque de personnel médical: «Le drame de la Haute-Savoie!»

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France voisineManque de personnel médical: «Le drame de la Haute-Savoie!»

La députée haut-savoyarde, Virginie Duby-Muller, fait le point sur la pénurie de fonctionnaires dans la zone frontalière, ses conséquences et les moyens mis en œuvre pour y remédier.

La députée haut-savoyarde, Virginie Duby-Muller, devant l'Ehpad de Saint-Julien-en-Genevois

La députée haut-savoyarde, Virginie Duby-Muller, devant l'Ehpad de Saint-Julien-en-Genevois

Marie Prieur

C'est un joli bâtiment entouré d'un parc. Situé à Saint-Julien-en-Genevois, juste de l'autre côté de la frontière, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Baudelaire est pourtant loin de faire le plein. Depuis l'ouverture de cette infrastructure en septembre 2019, un étage entier demeure clos faute de personnel médical. «En Haute-Savoie, plus de 700 lits sont fermés dans les EHPAD», entame d'emblée Virginie Duby-Muller (Les Républicains). On fait le point avec la députée du Genevois haut-savoyard sur cette épineuse problématique fortement liée à la proximité de la Suisse.

Où en est-on de la pénurie de professionnels de la santé en Haute-Savoie?

C'est le drame de notre département. Les EHPAD ne sont pas les seuls touchés. Cela concerne les ressources humaines dans le domaine hospitalier dans son ensemble. Qui plus est, dans le domaine libéral aussi, les délais d'attente sont très longs par exemple pour avoir un rendez-vous chez un spécialiste. Résultat: des habitants de Saint-Julien vont jusqu'à Cruseilles pour consulter un dentiste. Autre exemple concret: une famille de Collonges-Sous-Salève cherchant une place en maison de retraite pour la grand-mère, a dû «reculer» jusqu'à Corbonod, dans l'Ain (à 45 min en voiture).

La Haute-Savoie manque-t-elle d'infrastructures?

Non. Les équipements sont quasi neufs. Que ce soit l'EHPAD de Saint-Julien, le Centre Hospitalier Alpes Léman (CHAL) à Findrol ou l'Hôpital Privé Pays de Savoie (HPPS) à Annemasse. Mais, il nous manque le personnel pour qu'ils tournent normalement.

D'où vient le problème?

La proximité avec la Suisse a un double effet. Le premier, c'est bien sûr la fuite des professionnels de la santé qui vont exercer à Genève ou dans d'autres cantons. On peine à freiner cette tendance, comme le confirme le dernier rapport de l'observatoire transfrontalier des personnels de santé.  (ndlr: on peut y lire qu'«une part importante des infirmiers et des aides-soignants résidant dans l’Ain et en Haute-Savoie travaillent en Suisse. Ces ratios sont en augmentation et peuvent atteindre près de 80% dans les zones proches de la frontière».)

Cette proximité a aussi un impact sur le coût de la vie. De quelle manière?

C'est exact. Surtout sur le logement. Aujourd'hui, c'est ce qui pèse le plus sur le pouvoir d'achat de nos habitants. Selon l'observatoire local des loyers de la Haute-Savoie, en 2022, l'agglomération d'Annemasse était la deuxième région la plus chère de France après Paris. Le loyer médian du parc privé étant de 14,7 euros/m2 (soit 14,34 fr/m2), juste après Paris (19,5 euros/m²) et devant Annecy (13,4 euros/m²). C'est un levier sur lequel les pouvoirs publics doivent travailler.

Quelles solutions?

La prime de vie chère (lire l'encadré) que l'on a enfin obtenue fin 2023 constitue une première avancée. Elle représente un gain moyen de 840 euros (820 fr.) bruts par an et ne concerne que les fonctionnaires. D'autres solutions viennent s'ajouter. Les maisons de santé créées dans le département proposent un loyer plus intéressant pour le cabinet et garantissent un logement d'atterrissage. Voire deux comme c'est le cas à Valleiry.

Quid si le médecin quitte le poste de travail?

C'est le gros hic. Pour le moment, rien ne l'oblige à rendre le logement. La personne peut partir travailler en Suisse et conserver son appartement en HLM. Tout au plus, peut-on rajouter un surplus à son loyer. On réfléchit donc dans le cadre de la future loi logement à lier le contrat de travail et le contrat de bail. On milite aussi pour que les zones frontières, comme la notre, soient prises en compte dans le travail mené par le député David Amiel au sujet de la fidélisation des fonctionnaires. Sur ce point, il s'agit aussi au niveau local de limiter le turn-over en améliorant tous les à-côtés: places en crèches, accès en transports en commun. Mais aussi mise en avant de la «marque territoire» consistant à valoriser la collectivité ou encore la qualité de vie dans la commune.

Des solutions sont-elles envisagées sur le plan franco-suisse?

Grâce à la convention sanitaire franco-suisse entrée en vigueur le 1er octobre 2019, on dispose du cadre juridique pour travailler encore plus ensemble. Sur la question de la prise en charge des patients, on doit poursuivre le travail. Notamment afin de mutualiser les moyens. Il n'est pas logique qu'à l'heure actuelle un enfant atteint d'un cancer qui habite dans le Genevois soit suivi à Lyon, alors que ce serait possible et beaucoup moins compliqué en terme d'organisation à Genève. Idem pour le caisson hyperbare des HUG que les patients français ne peuvent utiliser qu'en cas d'urgence. Il faudra également rouvrir le dialogue avec Genève pour le financement des formations de santé en France.

«Des trous dans la raquette»

On l'appelle la prime de vie chère car elle est censée compenser le coût de la vie particulièrement élevé dans certaines zones du territoire français. Durant de nombreuses années, les élus de France voisine, dont la députée Virginie Duby-Muller, se sont battus pour la décrocher. Ils ont obtenu gain de cause en septembre 2023. Versée au personnel de la fonction publique, cette prime correspond à 3% du salaire. Mais, et c'est un gros mais, toutes les communes ne sont pas concernées. Elles étaient 61 de la Haute-Savoie et de l'Ain au départ, puis 133 trois mois plus tard, en décembre 2023. «Il y a encore des trous dans la raquette, souligne Virginie Duby-Muller. Par exemple: Jonzier ne l'a pas, alors que Viry et Vulbens l'ont. Ce n'est pas logique et cela crée une concurrence entre les communes.»

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