ÉducationFuturs apprentis: les profs gênés par les recruteurs
L’évolution des techniques de recrutement mettrait à mal le choix serein d’une carrière, craignent les enseignants.

Le cursus scolaire contient un accompagnement à l’orientation professionnelle, rappellent les représentants des enseignants.
Getty ImagesUn choix de plus en plus précoce et une commercialisation des méthodes de recrutement: plusieurs faîtières nationales de l’enseignement clament leur inquiétude concernant les offres de contrats d’apprentissage. Elles critiquent l’avancement du calendrier de publication des offres au 1er avril, soit plus d’un an avant la fin des études, et l’utilisation de tests d’aptitude (Multicheck par exemple) souvent développés par des entreprises privées.
«Le risque est que les élèves soient poussés à signer un contrat avant d’avoir été suffisamment conseillés pour choisir un métier qui leur convienne», explique Samuel Rohrbach, président du Syndicat des enseignants romands. Si les contrats ne sont reconnus que dès novembre, certaines entreprises concluraient des précontrats pour s’assurer de pouvoir engager «les meilleurs éléments» avant les autres. «De quoi remettre en cause l’égalité des chances des élèves et leurs conditions pour faire un choix de carrière éclairé», poursuit Samuel Rohrbach. En outre, le fait que des entreprises court-circuitent le processus de recrutement priverait les jeunes de l’expérience utile d’une recherche d’emploi.
Interpellée par les faîtières, la Conférence suisse des offices de la formation professionnelle se dit impuissante sur ce dernier point et défend la publication précoce des offres «à titre informatif». Baptiste Müller, responsable de la politique de formation au Centre patronal vaudois, soulève l’utilité de ces tests pour définir le profil des jeunes.
Planning variable
Les Romands signant leur contrat d’apprentissage bien plus tard que les Alémaniques, ils sont moins concernés par un éventuel décalage, indique Baptiste Müller. Mais la tendance correspond à une volonté fédérale d’identifier au plus tôt les candidats à l’apprentissage pour éviter qu’ils ne perdent du temps et bifurquent vers un cursus «par défaut», explique Frank Sobczak, directeur formation à la Fédération des entreprises romandes Genève.
Cantons proactifs
Face à l’arrivée des tests privés, les Cantons de Genève et du Jura ont établi leurs propres examens d’aptitude. «Il n’est pas normal que les jeunes soient pris en otage par des tests payants», relève Frank Sobczak. Dans certaines branches, par ailleurs, ce sont les associations professionnelles qui les établissent, ajoute Baptiste Müller, lui-même ancien apprenti. Quant à la crainte des enseignants face à une commercialisation de la préparation, il n’est pas inquiet: «Ce ne sont pas des tests qu’on doit bachoter.»