GenèveAu Salon du livre, la dictée géante a attiré les moins de 30 ans
Samedi, le Championnat suisse de l'orthographe a réuni près de 170 personnes, parmi lesquelles de nombreux jeunes, amoureux de la langue française.
Tout commence par une proposition pleine de promesses: «Ça te dit de faire une activité de mamie ce week-end? La dictée géante au Salon du livre.» Ni une ni deux, en ce samedi, nous voilà parties direction Palexpo (GE), persuadées de ne croiser que des retraités dans cette assemblée de scribouillards férus d'accords grammaticaux, amoureux de l'imparfait du subjonctif et fins connaisseurs de l'art subtil d'utiliser le point-virgule. Les premiers arrivés ont effectivement le cheveu bien blanc et s'installent tout devant, sans doute histoire de ne pas louper une miette du texte.
«J'aime trop l'orthographe et la grammaire»
Quelle n'est pas notre surprise de voir les rangs se remplir peu à peu de dizaines de jeunes gens. Une forte participation des juniors saluée par des applaudissements avant le début de la dictée. Le plus jeune a 13 ans, le plus vieux 92. Sur les 170 personnes présentes, une bonne moitié semble avoir moins de 30 ans. D'où la question qui brûle les lèvres: «Qu'est-ce que vous faites là?» Réponse d'Ethel, une Lausannoise de 25 ans: «J'aime trop l'orthographe et la grammaire. J'ai pensé que ce serait sympa de tester. J'ai toujours été bonne en français, mais ma dernière dictée remonte à il y a dix ans...» A ses côtés, Marlone, 27 ans, écrivain en herbe, lance: «Je me suis dit «Why not!» Je suis à une période de ma vie où j'ai envie de me mettre des challenges.»
Un message pour les dysorthographiques
Juste derrière eux, Othilie, 20 ans, et son copain Shayan, 21 ans, sont, eux aussi, Lausannois. «A la base, je suis nul en orthographe mais je me suis amélioré», souligne le jeune homme. «On verra ça!», lui rétorque sa chérie dans un sourire de défi. Même esprit de compétition entre Wayra, 24 ans et Benjamin, 25 ans. «On est là pour la gagne!» C'est un défi plus personnel que s'est lancé Audélie. Venue de Delémont, la jeune femme de 19 ans explique timidement: «Je suis dysorthographique. Je me suis dit que ce serait beau de rivaliser avec d'autres personnes qui ne le sont pas. Mon message est pour tous les «dys»: même si on n'est pas bon à l'école, pas bon en dictée, on peut le faire!».
Taïkonaute, fildefériste et mareyeur
L'heure est arrivée, il est temps de s'y coller! Muni d'une feuille double à carreaux et d'une feuille de brouillon, d'un ou deux stylos à la mine affutée, chaque participant est invité à ne pas copier sur son voisin et à ne pas utiliser son smartphone pour tricher. Dans une ambiance studieuse, la lecture commence. «Allez savoir!....» Les noms de champignons entraînent quelques soupirs. Faut-il des traits d'union à fildefériste? C'est quoi un taïkonaute? s'interroge-t-on. En écrivant «mareyeur paimpolais», les plumes frémissent. Une heure plus tard, on rend les copies.
«C'était assez simple», réagit Samuel, 14 ans, accompagné de sa mère et de sa grand-mère. «Y a juste tous azimuts que j'ai écrit «tout zazimut»» Les espoirs de Benjamin et Wayra ont été douchés... «C'était horrible! Il y a des mots que je n'avais jamais vus de ma vie. Mais on a passé un bon moment. On n'a pas vu le temps passer.» Un avis que partage Marie, Neuchâteloise de 32 ans: «J'ai eu beaucoup de plaisir. J'ai fait des fautes là où je pensais avoir fait juste et, à l'inverse, j'ai écrit juste des mots que je ne connaissais pas.» Avec une seule faute, Benoît Delafontaine remporte le championnat catégorie senior tandis que Naïm Faure décroche la palme chez les juniors avec six erreurs seulement.
Morceaux choisis
Voici deux extraits de la dictée Allez savoir! concoctée pour le Championnat suisse d'orthographe du 22 mars 2025: «Heureux étiez-vous s'il vous invitait à déguster une purée de rattes truffée sans qu'il vous infligeât un exposé sur la symbiose mycorhizienne ou vous décrive tout à trac les spores noires des agarics.»
«Rien ne l'effrayait. N'avait-il pas réussi à esbroufer un aréopage d'astrophysiciens en prononçant une conférence sur l'aphélie et le périhélie de Mercure, vêtu d'une combinaison de taïkonaute?» (F. Klotz)