Genève : la justice annule le 30 km/h généralisé

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GenèveLa justice annule le 30 km/h généralisé à Genève

Le Tribunal administratif de première instance a invalidé l'arrêté du Conseil d'État, qui instaurait une vitesse limitée sur 456 routes du canton.

20min/Matthias Spicher

Le 30 km/h généralisé à Genève tombe à l'eau, pour l'instant du moins. Selon une information de la «Tribune de Genève» et de Léman Bleu, la justice genevoise a annulé l'arrêté du Conseil d'État limitant la vitesse de circulation sur 456 routes du canton de jour et/ou de nuit, selon les cas.

La décision émane du Tribunal administratif de première instance. Ce dernier a partiellement donné raison à un recourant, un policier soutenu par son syndicat. Les juges ont estimé que le Canton n'avait pas mené assez d'études pour estimer l'impact du 30 km/h sur la circulation. «Quand bien même le but poursuivi, à savoir la diminution des nuisances sonores générées par le trafic routier, qui relève à l'évidence d'un intérêt public important, est vraisemblablement atteint par une réduction de la vitesse maximale autorisée, cela ne suffit pas pour admettre que le département serait dispensé de procéder aux expertises préalables», précise l'arrêt. Cette décision est sujette à recours.

L'avocat du recourant: «projet manifestement disproportionné»

«C’est un jugement qui applique le droit, rien que le droit, en toute indépendance du politique», se réjouit Me Romain Jordan, un des avocats du recourant avec Me Stéphane Grodecki. Il développe: «Les juges disent en substance que ce dossier a été mal préparé, car dépourvu d’expertises. Ce projet relevait donc d’un choix arbitraire ne reposant sur aucune pesée d’intérêts. Il était ainsi manifestement disproportionné.» L’avocat considère que cette décision invite le Conseil d’État «à reprendre, sérieusement cette fois-ci, son dossier, s’il l’estime utile, et en menant une vraie concertation par ailleurs».

Le policier recourant satisfait pour les urgentistes

Le recourant, Michael Berker, un policier qui a agi en sa qualité de vice-président du Syndicat de la police judiciaire, dit également sa satisfaction. «Si nous sommes bien évidemment sensibles aux préoccupations environnementales et à la nécessité de réduire les nuisances auxquelles les Genevois sont soumis, nous sommes satisfaits de cette décision, pour tous les urgentistes pour qui le 30 km/h généralisé aurait considérablement augmenté les risques juridiques, et ce même si ce n’est pas cet argument qu’a retenu le Tribunal.»

L'ATE: «Dizaines de milliers de personnes soumises au bruit»

Du côté de l’ATE Genève (Association transports et environnement), c’est le dépit, voire la colère qui domine. «On déplore cette décision, qui nous consterne, réagit sa présidente, Caroline Marti. On a d’un côté des dizaines de milliers de personnes soumises à un bruit excessif et de l’autre une seule personne qui bloque tout.» Elle souligne que «le tribunal ne remet pas en cause l’utilité de la limitation de vitesse», mais la méthode. «On attend du Conseil d’État qu’il prenne la mesure de ce jugement et lance au plus vite les expertises requises.»

L’association étudie parallèlement la possibilité de faire recours. Elle envisage aussi d’apporter son soutien et de coordonner une multitude d’actions individuelles. L’idée serait que des riverains exposés au bruit saisissent le département pour demander une limitation de la vitesse afin d’obtenir une décision, le cas échéant contestable en justice.

Le PS: «Un vrai ralentissement pour le 30 km/h»

Du côté des partis, le président socialiste Thomas Wenger regrette une décision «qui constitue un véritable ralentissement pour la mise en œuvre d’une mesure que nous appelons de nos voeux». Il demande donc au Conseil d’État de mener les études nécessaires à l’aboutissement de ce projet, «qui concerne aussi bien la mobilité que la santé publique. Il est reconnu, en Suisse, que le 30 km/h améliore la sécurité et la fluidité du trafic, tout en diminuant les nuisances sonores et atmosphériques.»

Partagé, le Centre veut faire du cas par cas

Au Centre (le parti de Serge Dal Busco, ex-conseiller d’État à l’origine de cette mesure), on est plus mesuré. «Chez nous, c’est un thème qui a toujours fait débat, explique son président, Philippe Rochetin. Le 30 km/h dans l’hypercentre, nous sommes pour, notamment pour des raisons de santé publique. En revanche, sur les axes structurants, il n’y a pas de consensus.» Il pense que le Conseil d’État doit dorénavant poursuivre les analyses «secteur par secteur pour, le cas échéant, prendre des décisions au cas par cas».

Le TCS: «Maintenir la hiérarchisation du réseau»

Directeur du TCS Genève, Yves Gerber explique pour sa part ne pas se réjouir de cette décision, «puisque nous étions parvenus à un accord avec l'Etat», via une convention de compromis que cet arrêt fait tomber, par ricochet. En revanche, il n'est «pas surpris que l'on reproche au Canton la faiblesse de ses arguments sur l'expertise, qui reposait sur une seule rue, le boulevard du Pont d'Arve». Il souhaite désormais qu'une approche pragmatique permette de concrétiser la convention trouvée à l'époque. «Ce qu'il faut à tout prix, c'est maintenir la hiérarchisation du réseau, seule capable d'apaiser les quartiers.»

L'Etat ne fera pas recours

Le Département de la santé et des mobilités, présidé par Pierre Maudet, a indiqué ce jeudi qu'il ne ferait pas recours contre cette décision. Soulignant que le seul grief des juges est «la méthode utilisée pour mener l'expertise», il souhaite «quitter le registre de la judiciarisation de la politique des transports». Le conseiller d'Etat, Pierre Maudet, précise: «Le Tribunal administratif de première instance vient d’annuler la décision de mon prédécesseur. Héritant de cet état de fait, j'ai voulu remettre tous les acteurs autour de la table pour mettre fin à la guerre des transports via un accord sur le 30km conclu en octobre 2023.» Et d'ajouter: «A la suite de cette décision judiciaire et pour repartir sur des bases saines, je réunirai les acteurs de la mobilité dans les semaines à venir pour s'accorder sur les enjeux de bruit routier. L'objectif politique étant de trouver une solution concertée et ciblée afin de préserver la qualité de vie des Genevois, sans entraver la liberté de déplacement.»

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