Famille multimilliardaireAccusés d'exploiter des employés, leur procès s'ouvre enfin à Genève
La famille Hinduja est jugée pour avoir, dans sa villa de Cologny (GE) employé des ressortissants étrangers dans des conditions précaires. Prévus en début d'année, les débats se sont ouverts ce lundi.

Deux prévenus, en l'occurrence les parents de la famille Hinduja, ne sont pas présents.
AFPY aura-t-il ou non un accord entre les parties plaignantes et la famille Hinduja? Telle a été la question sous-jacente de cette journée d'audience devant le tribunal correctionnel de Genève. Après avoir été reportés, les débats ont finalement débuté ce lundi. D'un côté du paravent: trois ex-employés qui affirment avoir été victimes de traite d'êtres humains de fin 2006 au printemps 2018 - date à laquelle l'affaire a éclaté (lire l'encadré)-. De l'autre: trois des cinq prévenus. Le père, Prakash Hinduja, âgé de 78 ans et la mère, Kamal, âgée de 75 ans sont tous deux absents. Sur le banc, sont présents: le fils (56 ans); la belle-fille (50 ans) et le directeur financier (64 ans).
En milieu de matinée, après une énième tentative de la défense pour faire repousser à nouveau le procès, les deux parties ont annoncé travailler à un accord, en l'occurrence financier. Si celui-ci était conclu, les plaignants pourraient se retirer du jeu. Resterait toutefois l'accusation portée par le Ministère public. Le procès poursuivrait donc son cours.
«Un train de vie confortable, standard»
En attendant la conclusion ou non dudit accord, les débats ont bel et bien débuté. Interrogés sur leurs personnalités, les époux se sont montrés peu prolixes quand il s'est agi de parler d'argent. «On ne fait pas de commentaire sur la fortune du groupe», a indiqué sobrement le quinquagénaire. Questionnée sur ses dépenses mensuelles, son épouse a qualifié son train de vie de «confortable, standard».
A propos des faits, le fils Hinduja a avancé des bribes d'explications peu probantes. «Je n’ai jamais recruté ou fait recruter du personnel en Inde», a-t-il assuré. «Ce n’est pas moi qui ai trois employés, c’est la maison...». Concernant l'absence d'autorisation, le prévenu a lancé: «Je ne savais pas que la Suisse était si mal organisée.» A ses yeux, l’ambassade suisse en Inde ainsi que l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) étaient informés et fournissaient les documents nécessaires. «Aujourd’hui, j’apprends que cela ne valait rien!»
Les horaires sont «mensongers»
Parlant d'une «plainte bidon de traite d’êtres humains», il a nié que le personnel ait pu travailler 7 jours sur 7, 18h par jour. «C’est mensonger!» a-t-il lâché. Et d'ajouter: «Cela serait idiot de faire travailler la nourrice (qu'il qualifie de «deuxième mère pour les enfants») autant, car elle n’aurait pas pu s’en occuper correctement.» A propos des conditions de vie des employés, hébergés durant plusieurs mois dans un abri antiatomique, le prévenu a indiqué qu'il n'était pas allé se rendre compte par lui-même et qu'il le regrettait.
A 18h15, aucun accord n'avait encore été conclu. L'audience se poursuit a minima durant toute la semaine. Le délibéré est attendu vendredi 21 juin.
«Des aurores jusqu’à tard le soir»
C'est le 12 avril 2018 que la police a débarqué dans la villa de 400 m2 de la famille Hinduja, à Cologny (GE). Depuis novembre 2017, des caméras de surveillance ont été braquées sur le jardin et à proximité de la demeure. Se sont ajoutées les déclarations des membres du personnel de maison qui ont travaillé durant des années pour la famille. Ils ont affirmé avoir été logés dans un abri antiatomique sans fenêtre au sous-sol de la villa, dormant sur des lits superposés.
Ils ont assuré avoir travaillé «tous les jours, dès l'aurore jusqu’à tard le soir ou dans la nuit, sans jour de congé» et ce pour des salaires très bas, dix fois inférieurs à ceux prévus par la convention collective de travail: soit entre 100 et 400fr. par mois. Les parties plaignantes ont aussi décrit la nourriture rationnée et les passeports confisqués par leur patronne.