Genève: Un élu a farfouillé sans droit dans les fichiers de la justice

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GenèveUn élu a farfouillé sans droit dans les fichiers de la justice

Le conseiller administratif d’une petite commune a été condamné pour violation du secret de fonction. Il avait utilisé son emploi au Pouvoir judiciaire pour se renseigner au sujet d’une plainte pénale.

L’élu a profité de ses accès professionnels pour obtenir des renseignements ayant vocation à rester secrets (image d’illustration).

L’élu a profité de ses accès professionnels pour obtenir des renseignements ayant vocation à rester secrets (image d’illustration).

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«Pour un collaborateur du Pouvoir judiciaire, informer des tiers de l’existence d’une procédure pénale les visant représente un cas d’école de violation grossière du secret de fonction.» Ainsi s’exprime le procureur général dans une ordonnance pénale datée du 29 juin. Pis, dans cette affaire, le coupable est un élu, dont la faute «est loin d‘être anodine», observe le magistrat.

Peine pécuniaire et blâme

Un conseiller administratif d’une petite commune a ainsi été condamné à 60 jours-amende à 220 francs le jour avec sursis, ainsi qu’à une amende immédiate de 2640 francs. Son employeur lui a par ailleurs infligé un blâme. L’homme travaille dans un service technique du Pouvoir judiciaire. Il avait utilisé ses accès professionnels pour consulter sans droit une procédure pénale visant les membres de l’exécutif de sa municipalité, dont lui-même.  Pire, il avait tenu ses collègues au courant de ses trouvailles.

Ce faux-pas trouve sa source dans un conflit politique communal (lire l’encadré). En 2021, une conseillère municipale a été exclue de son parti, le PLR. Elle a déposé plainte pour diffamation à l’encontre de l’exécutif, dont en particulier deux membres qui étaient, selon elle, à l’origine de son éviction. Peu après, le président de la section locale du parti a eu vent de cette action en justice. Il s’en est alors ouvert au prévenu, qui, avec une collègue, s’est demandé si cette plainte existait vraiment. Et tout a dérapé.

Vingt-quatre dérapages

L’élu a fouillé la base de données du Pouvoir judiciaire et découvert qu’en effet, une procédure pénale avait été ouverte. Il en a informé ses homologues de l’exécutif. Puis, à partir d’août 2021, il a multiplié les consultations (24 au total) pour connaître l’évolution du dossier et savoir s’il y apparaissait comme prévenu. En mars 2022, il a enfin découvert que tel était le cas, l’a rapporté au Conseil administratif et en a parlé à son supérieur. Il a tout de suite admis avoir livré une information, par naïveté selon lui, et a regretté sa faute.

Le procureur général, pour sa part, relève que le dépôt de plainte, l’ouverture d’une procédure et les personnes visées étaient inconnues des parties. Dès lors, «il apparaît que le Ministère public voulait le maintien du secret» et «qu’il existait un intérêt légitime, privé et public» que la qualité de prévenus des trois conseillers administratifs soit connue uniquement de la direction de la procédure: la violation du secret de fonction est établie.

Bisbilles au PLR en toile de fond

Des dissensions au sein de la section locale du PLR constituent la toile de fond de cette affaire. Le parti a exclu de ses rangs une conseillère municipale: il l’accusait d’avoir incité un tiers à publier sur un site satirique un texte diffamant clairement les conseillers administratifs. L’élue l’a toujours contesté, et a déposé plainte. Elle suspecte les membres PLR de l’exécutif d’avoir tiré prétexte de l’épisode pour l’évincer, en raison de divergences de points de vue, notamment en matière d’aménagement et de protection du patrimoine. Elle a finalement retiré sa plainte, refroidie par une procédure qui s’annonçait longue et coûteuse. «J’ai réalisé que bien que ma plainte soit tout à fait fondée, cela allait non seulement me coûter cher mais aussi aux habitants de la commune, a-t-elle dit. «L’exécutif avait tout loisir de poursuivre puisque son avocat est payé très vraisemblablement par l’argent du contribuable.»

         

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