GenèveUn entraîneur s'en prend à un arbitre de 16 ans: condamné
Un homme de 38 ans a agoni d'injures homophobes et de menaces de mort un adolescent qui dirigeait un match de football de juniors. Le Ministère public a sévi.

Le match opposant des joueurs de 16-17 ans s'était déroulé en novembre 2023.
Imago«J'ai pleuré de peur dans le vestiaire.» Dans sa plainte pénale adressée au Ministère public, ce jeune arbitre genevois d'alors 16 ans raconte à quel point il a été terrorisé par un entraîneur lors d'un match de juniors B (16-17 ans) opposant, en novembre 2023, le FC Grand-Saconnex et le CS Interstar. L'événement l'a tant bouleversé que deux certificats médicaux faisant état d'un choc post-traumatique lui ont été délivrés par la garde pédiatrique de Lancy - à 16 ans, on est «encore un enfant», comme le relève d'ailleurs le jeune directeur de jeu lui-même.
«Je vais le tuer», dit l'éducateur de 38 ans
Son récit est effarant: l'entraîneur d'Interstar, fâché par des cartons rouges distribués au cours d'un match tendu, l'aurait notamment et à plusieurs reprises traité de «fils de pute», «pédé de merde», «enculé de fils de pute», «enculé de ta race» et «gay». Pour faire bonne mesure, cet éducateur de 38 ans aurait ajouté à son flot d'injures navrantes un glaçant «Je vais le tuer», alors que des responsables du FC Grand-Saconnex escortaient l'adolescent jusqu'au vestiaire, où il s'effondrera.
L'entraîneur était «sous pression»
Entendu par la police, l'entraîneur a contesté la plupart des faits, jugeant le rapport d'arbitre «calomnieux et diffamatoire». Certes, concède-t-il, «sous pression» car son équipe devait absolument gagner pour éviter la relégation, il avait hurlé une bonne dizaine de fois «fils de pute» et «putain de merde», et avait «peut-être dit: «Je vais le tuer». Le reste des injures, en particulier les saillies homophobes, n'aurait jamais été prononcé.
Des cauchemars deux mois après les faits
Le jeune arbitre, représenté par Me Nicolas Hervieu-Causse, qui s'est fait une spécialité depuis 2020 de défendre gratuitement les hommes en noir pris à partie par des joueurs, entraîneurs ou spectateurs, persiste face aux enquêteurs. Il précise avoir noté les termes employés sur un papier afin de donner tous les détails à sa mère, à qui il avait envoyé plusieurs messages vocaux. Et de préciser que, deux mois après les faits, il lui arrivait encore de faire des cauchemars. Deux témoins entendus par la police, des responsables du Grand-Saconnex, ont confirmé ses propos, notamment les termes «fils de pute», «pédé» et «Je vais le tuer». L'un d'eux juge que le rapport d'arbitre était conforme à la vérité, voire «light».
Peine pécuniaire avec sursis et amende
Le 27 janvier, le Ministère public a reconnu l'entraîneur coupable d'injures et de menaces. Il l'a condamné à 70 jours-amende à 30 francs le jour avec sursis, en sus d'une amende de 500 francs en guise de sanction immédiate. Il devra aussi s'acquitter de 520 francs de frais de procédure. Me Hervieu Causse salue cette sanction, remarquant que l'attitude des entraîneurs déteint sur celle des enfants. La preuve: après son coup de sang, une bagarre générale s'est brièvement déclenchée.
Depuis un an, les condamnations pleuvent
L’opération zéro impunité tourne à plein régime. En 2020, collaborant avec l’association cantonale genevoise de football (ACGF), Me Hervieu-Causse offrait de saisir systématiquement la justice quand un arbitre était agressé. Depuis un an, les condamnations ont plu: deux joueurs majeurs, un mineur, un père de junior et deux entraîneurs ont récolté un casier. De quoi donner du corps au mantra du président de l’ACGF, Pascal Chobaz, qui martèle qu’il n’y a pas de raison d’autoriser sur un terrain ce qui est interdit dans la rue.