GEO vante un pays déchiré par la guerre

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La gaffeGEO vante un pays déchiré par la guerre

Le célèbre magazine consacré aux voyages incite, dans son édition de juillet, à partir à la découverte du Nicaragua, pays très instable actuellement. Le rédacteur en chef admet une maladresse.

Frédéric Nejad Toulami
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Frédéric Nejad Toulami

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«Après des décennies de dictature et de guérilla, le plus grand pays d'Amérique centrale est pétri d'espoir et de renouveau.» La double page d'ouverture du sujet consacré au pays d'Amérique centrale s'ouvre sur une superbe photo prise sur les Corn Island, isolées dans la mer des Caraïbes. Intitulé «Découverte», ce reportage s'étale sur 16 pages dans l'édition estivale de GEO. Mais cette introduction positive fait totalement l'impasse sur une triste réalité qui secoue le Nicaragua depuis avril 2018. Un grand mouvement de contestation et des manifestations dans tout le pays contre le président Daniel Ortega et son épouse, vice-présidente, sont durement réprimées dans le sang. Et le bilan des morts est estimé aujourd'hui à près de 300.

Féroce répression

Tout a débuté en avril, lorsque le président a annoncé vouloir introduire une réforme de la sécurité sociale. La hausse des cotisations que cela allait représenter pour la population et la baisse des pensions pour les retraités ont été les gouttes qui ont fait déborder le chaudron de mécontentement jusque là jugulé. Dès les premières manifestations, les forces de l'ordre et des groupes paramilitaires à la solde du régime sandiniste ont pratiqué une féroce répression. Malgré cela, la contestation s'est amplifiée et a gagné tout le pays, même si Daniel Ortega a vite retiré son projet de réforme. Désormais, la rue demande son départ et celui de sa femme du pouvoir. Qu'il occupe depuis 2007. Mais cet ancien guerillero révolutionnaire sandiniste avait déjà été au sommet du pouvoir dans les années 80.

«Nulle forme de soutien au régime actuel»

Alors pourquoi le célèbre magazine GEO propose actuellement de partir à la découverte de ce certes magnifique pays mais peu propice aux voyageurs ces mois-ci? «Le timing est malheureux, je vous l'accorde, admet d'emblée le rédacteur en chef Eric Meyer. Notre reportage a été effectué en début d'année, soit avant ces terribles événements. Et quand nous avons bouclé l'édition de juillet au mois de mai, des éléments inquiétants étaient déjà apparus, lors des manifestations réprimées violemment.» Eric Meyer assume sa responsabilité dans le choix de publier tout de même le reportage car pour un mensuel comme GEO, il n'avait pas d'autres articles de remplacement. «Mais il ne s'agit nullement d'une forme de soutien de notre part au régime actuel au Nicaragua, souligne-t-il. D'ailleurs on reviendra dans notre prochain numéro sur ces événements afin d'offrir une mise en perspective pour nos lecteurs.»

Eric Meyer précise toutefois que le texte consacré au reportage sur le Nicaragua a été un peu rectifié avant parution afin de tenir compte de l'aggravation des événements sur place début mai. «A l'heure où nous mettons sous presse, 121 personnes sont mortes et la situation reste très chaotique», est-il notamment mentionné dans l'article. Ainsi que les perspectives de renaissance du pays désormais bien ombragées...

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