LausanneIl a convulsé durant 1h30 dans sa cellule face aux caméras de la police
Lamin Fatty, requérant d’asile gambien décédé dans sa cellule en 2017, a agonisé durant 90 minutes à cause d’une probable crise d’épilepsie. Le responsable des caméras de surveillance est prévenu d’homicide par négligence.

Les nombreuses manifestations de ces dernières semaines ont parfois porté Lamin Fatty en martyr et demandé des réponses sur sa mort.
KeystoneArrêté à Lausanne le dimanche 22 octobre 2017 en possession de 1,2g de marijuana, Lamin Fatty est décédé le matin du mardi 24, dans une cellule au centre de police de la Blécherette, à Lausanne. Selon l’avocat qui représente la mère du requérant d’asile gambien, sa mort est due à «une succession d’à-peu-près et d’omissions» détaillés par «24 heures» , et «Le Courrier», qui font le point sur l’enquête pénale toujours en cours.
Confondu par les gardes-frontières avec un homonyme requérant à Lucerne, malgré des papiers qui l’identifiaient clairement, le jeune homme devait donc y être transféré en vue d’un renvoi. Mais il s’est senti mal et a été amené au CHUV où il a passé la nuit; on lui a diagnostiqué une sinusite. Déjà enregistré à l’hôpital, dont le personnel connait ses antécédents épileptiques et sait qu’il est sous traitement, Lamin Fatty a été remis à la police sans que ces informations soient transmises, pour cause de secret médical, et amené à la Blécherette. Ralenti par ses problèmes neurologiques et ne parlant que peu anglais, le Gambien âgé d’une vingtaine d’années n’a pas mentionné non plus qu’il n’a pas pu prendre son traitement depuis deux jours.
Lamin Fatty a passé la nuit en cellule et, mardi matin peu après le passage d’un garde, il s’est mis à convulser. Son corps tout entier a subi des spasmes musculaires durant une heure et demi, sous le regard d’une caméra de surveillance dont les images étaient retransmises en direct dans la cabine d’un collaborateur, et que «24 heures» et «Le Courrier» ont pu visionner. Au bout de près de deux heures, le corps de Lamin Fatty a été découvert. Les tentatives de réanimation sont restées infructueuses et son décès a été prononcé.
De nombreuses questions en suspens
Citée par le quotidien genevois «Le Courrier», la procureure en charge du dossier Ximena Manriquez tient à ce que «l’instruction soit menée de la manière la plus consciencieuse possible, pour que personne ne puisse dire qu’on a bâclé cette affaire». Plus de vingt personnes ont déjà été entendues. Le collaborateur chargé de regarder les écrans de vidéosurveillance est prévenu d’homicide par négligence, car une intervention rapide aurait peut-être pu éviter le drame, selon l’expertise médicale. L’employé était toutefois censé gérer à la fois une trentaine de cellules, de garages et autres espaces et faire office de téléphoniste, précise son avocat à «24 heures».
L’interprétation du secret médical par le personnel du CHUV devra également être questionnée: pourquoi personne n’a signalé la fragilité particulière du jeune homme aux policiers? Par ailleurs, la justice militaire a condamné les gardes-frontières négligents à 800 fr. d’amende, tout en estimant que leur erreur n’avait pas de lien avec la mort de Lamin Fatty. La procureure espère clore l’instruction d’ici la fin de l’année. Au niveau politique, une interpellation demandant l’ouverture d’une enquête administrative a été déposée en 2017 déjà par le député d’Ensemble à Gauche Jean-Michel Dolivo, sans réponse à ce jour. Porte-parole de la police vaudoise, Jean-Christophe Sauterel précise toutefois que des mesures ont été introduites à la suite de cette affaire, notamment une meilleure identification des détenus et une meilleure transmission d’information entre le personnel médical et carcéral.