Coups de feu en gare de Morges (VD) - «Il est resté couché bien cinq minutes, menotté, avant d’être secouru»

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Coups de feu en gare de Morges (VD)«Il est resté couché bien cinq minutes, menotté, avant d’être secouru»

Au lendemain du décès d’un homme mortellement blessé lors d’une intervention de police, de multiples témoignages aident à reconstituer la scène. Selon les témoins, les agents ne lui auraient pas immédiatement prêté secours, contrairement à ce qu’indique la police.

Presque 18h, sur un quai de gare: difficile de trouver cadre d’intervention plus exposé aux regards. Passagers du train ou habitants du voisinage ont presque tous entendu ou vu quelque chose ce lundi lors des faits qui ont conduit au décès d’un homme à la suite des coups de feu d’un policier. Leurs témoignages ainsi que des nombreuses images nous aident à reconstituer le déroulement des faits, qui soulève plusieurs questions. L’une d’entre elles concerne le temps de réaction des agents impliqués avant de porter secours à l’homme sur lequel ils venaient de tirer.

Des menottes mais un massage cardiaque tardif

Alors que le communiqué de la gendarmerie indique qu’il est pris en charge «immédiatement», tous nos témoignages indiquent qu’il s’est déroulé au moins 4 à 5 minutes après le premier coup, avant que le blessé ne soit même mis en position latérale de sécurité (PLS). «Sous le choc, j’envoyais des messages en live à mes proches, donc je peux voir que les coups de feu sont partis à 17h59, et que le massage cardiaque n’est pas arrivé avant 18h03 ou 18h04, raconte une témoin, aux premières loges au moment des faits. De plus, ce n’est pas un agent qui a prodigué le massage, mais un homme en civil qui est arrivé après. Pour moi, c’est une situation claire de non-assistance à personne en danger. Quelques minutes peuvent faire la différence.»

Un autre témoin corrobore sa version des faits. «Il est resté cinq bonnes minutes sur le ventre. Les agents sont d’abord allés le menotter, vider ses poches, et récupérer un petit objet noir qui trainait par terre, peut-être le couteau dont parle la police. Les agents sont restés très prudents, par sûreté j’imagine, vu qu’ils venaient de se faire attaquer. Mais il n’a pas été mis en PLS, et le massage cardiaque est arrivé plus tard, par quelqu’un d’externe, aidé par les agents.» Il s’agit bien d’une personne du milieu médical qui se trouvait par hasard sur place, confirme la police.

Une course effrénée et agressive

Pour le reste, images et témoins corroborent les informations données par la police, mais l’usage d’une arme blanche devra être éclairci. L’homme, un Suisse de 37 ans, se trouvait sur les voies face à quatre agents qui cherchaient à le calmer. Il aurait ramassé un caillou par terre avant d’avancer en direction des policiers, qui l’ont mis en garde. Il est ensuite remonté sur le quai et a continué à avancer «en brandissant quelque chose. Les policiers pointaient leur arme sur lui. Je l’ai vu ranger le caillou dans sa poche et sortir autre chose, peut-être un couteau», précise un témoin. Son avancée s’est faite agressive, et c’est alors que le premier coup est parti, provoquant sa chute au sol.

Sonné mais pas arrêté, l’individu s’est relevé et a couru en direction des agents. Là, il n’est alors plus si clair qu’il avait encore une arme en main. Une témoin indique qu’il avait alors les mains vides, et une autre précise qu’un petit objet noir a été ramassé près du lieu où il est tombé la première fois. Toujours est-il que sa course s’est à nouveau arrêtée, après un second coup de feu. «Il a titubé, comme une personne ivre. L’agent a tiré une troisième fois. Pour moi, ce troisième coup était injustifié.»

«L’enquête devra éclaircir les faits»

Interrogée, la porte-parole de la Police cantonale vaudoise maintient la version donnée lundi soir, et ne commente pas les témoignages. «Tout va extrêmement vite, l’enquête devra se faire, précisément pour éclaircir ces faits», tempère Olivia Cutruzzolà. Elle rappelle toutefois que les agents reçoivent bien durant leurs études une formation de premiers secours.

Les tirs à balles réelles sont rares du côté des forces de police. Après une intervention durant laquelle un homme avait été grièvement blessé par des coups de feu des agents à Genève en 2019, le président du syndicat genevois de la police indiquait que l’usage de l’arme est très encadré. Les agents sont autorisés à faire feu en situation de légitime défense, pour soi ou pour autrui; ou, dans des circonstances exceptionnelles et à des conditions bien particulières, il est aussi permis de tirer pour interpeller un fugitif ou pour écarter un danger pour la population, «lors d'un acte terroriste par exemple», expliquait Marc Baudat.

Selon Watson, l’usage d’une arme à feu par la police ne s’est produit que douze fois en 2020, et quinze en 2019. Interviewé, le porte-parole de la police Jean-Christophe Sauterel rappelle que des règles précises entourent cet acte, notamment une injonction préalable («Stop, police!»).

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