Initiative parlementaire à BerneIls veulent faire disparaître les motos bruyantes des routes du pays
Interdire les bécanes les plus bruyantes et autoriser les radars antibruit: une nouvelle élue alémanique n’y va pas par quatre chemins pour rendre le pays silencieux.

Les motos concernées font plus de bruit qu’un chien qui aboie ou qu’une tondeuse à gazon.
KEYSTONEL’initiative a le mérite d’être claire: toute moto dont le volume sonore à l’arrêt dépasse 95 décibels sera interdite de circulation. C’est la proposition de la conseillère nationale Gabriela Suter (PS/AG). L’idée ne sort pas de nulle part. En Autriche, une telle interdiction vient d’être édictée sur plusieurs routes alpines, entre juin et octobre. «D’après les calculs en Autriche, ces motos-là sont responsables de 50% des émissions sonores alors qu’elles ne représentent que 7% des véhicules qui circulent», note l’Argovienne élue en 2019.
95 décibels, c’est quoi?
Pour se faire une idée, une moto qui émet 95 dB à l’arrêt mais avec le moteur qui tourne, c’est comme si un chien aboyait de façon ininterrompue (de 90 à 100 dB) ou qu’un moulin à café broyait du grain sans arrêt (90 à 95 dB). C’est aussi plus bruyant qu’une tondeuse à gazon (85 à 95) ou qu’une débroussailleuse (85 à 90). C’est un bruit au-delà du seuil de danger (85), mais plus faible que dans une discothèque (105) et tout de même en dessous du seuil de douleur (120).
Les cols et les routes de montagne, pris d’assaut les week-ends, sont une chose. Mais les polices municipales suisses ne diront pas le contraire: les habitants des villes aussi s’agacent de voir leurs rues se transformer en circuits, et des actions répressives sont de plus en plus souvent organisées. «Ma proposition vaut pour toute la Suisse, villes y compris», précise Gabriela Suter.
Une moto sur dix en Suisse
Le chemin parlementaire à venir pour la socialiste est sans doute aussi sinueux que les routes alpines dont raffolent les motards. Mais pour ce qui est de l’application d’une telle interdiction, elle semble assez simple. Les contrôles se font sur la base des documents du véhicule. La plaque indiquant le numéro de châssis comporte aussi l’indication du volume sonore à l’arrêt. Il y a ainsi une simple liste des modèles qui tombent sous le coup de l’interdiction. «Nous estimons que, en Suisse, 10% des motos sont concernées», dit le TCS sur son site.
Bien sûr, la proposition de l’Argovienne n’a pas manqué de faire rugir certains des plus férus amateurs de gros cubes. Comme le relate l’«Argauer Zeitung», Fighter Friends, une association de motards, a voulu manifester, à moto naturellement, à Berne, le 1er Août. La demande a été rejetée: aucune manif de ce genre ne peut être autorisée le jour de la fête nationale. Nouvelle tentative pour la semaine suivante. Mais trop tard, un autre événement était déjà prévu sur la place Fédérale.
«Bruyant est démodé»
Même avec ces bâtons dans leurs roues, les amis de la moto n’en démordent pas et prévoient une action en septembre. Ils s’inspirent notamment de ce qui s’est passé en Allemagne où, il y a une semaine, plusieurs villes ont vu déferler des milliers de grosses motos dans les rues pour protester contre une interdiction, en discussion, des motos bruyantes les week-ends et les jours de fête. Ils étaient par exemple 6000 à envahir les rues de Munich.
La proposition divise à l’intérieur même des associations de motards. D’autres groupes ont estimé que la manifestation à moto n’était peut-être pas la meilleure voie à suivre dans une Suisse où le silence est, normalement, sacré. «N’oubliez pas: bruyant est démodé!» relaie la Fédération Moto Suisse sur son site.
Trop de bruit? Flashé!
Gabriela Suter ne s’arrête pas à si peu. Elle a déposé un deuxième texte qui demande un changement législatif crucial. Plusieurs cantons cherchent à développer et à installer des radars antibruit, qui flasheraient tant les motos que les voitures qui dépassent des limites sonores dont les critères restent à fixer. Une équipe de l’EPFL qui travaille sur ce type d’appareils dit que, techniquement, c’est faisable sans gros problème: tout dépend, au juste, de quel type de bruit et en fonction de quel environnement on veut réprimer. En France, un capteur baptisé «Méduse» est actuellement en phase de test. Le TCS, pour sa part, a déjà fait des essais avec un appareil qui, lui, ne flashe pas, mais indique aux utilisateurs s’ils sont trop bruyants, à la manière des sourires dans les zones 30.
Des dossiers politiques sont en cours dans plusieurs cantons, dont Vaud et Genève. Zurich et Argovie sont aussi passés par là. «Les gouvernements de ces deux cantons ont répondu que la base légale manquait au niveau fédéral pour introduire et appliquer une méthode de mesure de ce type», constate l’élue dans son texte. Dont acte. Elle demande donc la création de cette dernière.