InternetBluesky veut des réseaux sociaux sans empereurs
Se posant en alternative aux réseaux sociaux dirigés par des supporters de Trump, la plateforme Bluesky met en avant une autre manière de surfer.

Jay Graber est la CEO de Bluesky.
Getty Images via AFP«Un monde sans aucun César»: c’est avec ce message inscrit en latin sur son tee-shirt que Jay Graber, directrice générale de Bluesky, a salué son public lundi au festival SXSW, une pique contre Mark Zuckerberg, le patron de Meta (Facebook, Instagram). Il y a quelques mois, ce dernier a en effet porté un tee-shirt proclamant «Aut Zuck aut nihil», reprenant l’expression latine «Soit César, soit rien», en remplaçant le nom de l’empereur romain par son propre nom.
Le contre-slogan de Jay Graber «était notre manière insolente de dire qu’il ne devrait pas y avoir une seule personne qui prenne toutes les décisions», a expliqué Rose Wang, directrice des opérations de Bluesky. «Nous avons vu ce qui se passe quand quelqu’un prend le contrôle d’une plateforme du jour au lendemain».
Faire une telle déclaration à SXSW n’est pas anodin. C’est au cours de ce festival au Texas que Twitter est apparu pour la première fois en 2007. La plateforme est ensuite devenue incontournable, avant d’être rachetée fin 2022 par Elon Musk. Il l’a rebaptisée X et transformée en repaire privilégié pour ses adorateurs et ceux de Trump.
Identité en ligne transférable
En réaction à cette évolution, de nombreux utilisateurs se sont rapidement tournés vers des alternatives. Bluesky (littéralement «ciel bleu») est né chez Twitter, mais est devenu indépendant avant l’acquisition par Musk. Deux femmes, Jay Graber et Rose Wang, dirigent aujourd’hui une équipe d’une vingtaine de personnes dans le monde entier. La plateforme compte plus de 30 millions d’utilisateurs et connaît une expansion rapide.
Elle repose sur un principe majeur: les utilisateurs peuvent transférer leur identité en ligne sur d’autres applications utilisant la même technologie. Une différence cruciale par rapport aux grandes plateformes contrôlées par des milliardaires (X et Meta) ou possiblement influencées par des gouvernements étrangers (ce dont TikTok est accusé).
«L’idée est que si un milliardaire venait à prendre Bluesky en otage, tout le monde pourrait partir et construire Greensky» («ciel vert»), explique Rose Wang. Bluesky permet aux développeurs et aux utilisateurs de créer des expériences personnalisées grâce à des flux ciblant des contenus – qu’il s’agisse de jardinage, de sport ou d’autres centres d’intérêt.
«Fatigués d'être au service d'un algorithme»
Sur TikTok ou Instagram, «les créateurs sont fatigués d’être au service d’un algorithme qui ne les sert pas», estime la patronne. Sur Bluesky, les utilisateurs peuvent naviguer entre différents flux, suivre des comptes spécifiques ou explorer des contenus grâce à l’algorithme Discover de la plateforme. Actuellement, surtout aux États-Unis, le service attire des utilisateurs de gauche qui cherchent un refuge après la droitisation de X.
Jasmine Enberg, analyste chez eMarketer, observe que les utilisateurs privilégient de plus en plus les réseaux offrant davantage de contrôle, ce qui «pourrait profiter à Bluesky, en particulier lorsqu’elle introduit des fonctionnalités favorables aux créateurs, comme des vidéos plus longues».
Il lui manque cependant «les outils sophistiqués des plateformes établies», précise-t-elle. Rose Wang reste cependant optimiste. «Cette année sera celle de notre sortie au grand jour», promet-elle. «Les gens veulent savoir ce qui se passe dans le monde et ont besoin d’un espace sûr pour discuter, s’amuser et se faire des amis. Pour l’instant, ils ne trouvent cela nulle part ailleurs.»