ItalieMeloni veut «réactiver» ses centres de rétention en Albanie
«Très coûteuses» et dans la ligne de mire de la justice, des structures «vides» devraient être converties en hébergements pour les migrants en attente «de rapatriement».

«Cela fait mal au cœur de voir le gâchis de centaines de millions d’euros littéralement jetés par la fenêtre par le gouvernement italien», a déclaré l'ancien Premier ministre Matteo Renzi.
AFPQuasiment vides depuis leur ouverture, les centres d’accueil pour demandeurs d’asile construits à grands frais en Albanie par l’Italie vont être recyclés en centres de rapatriement pour les migrants illégaux, une reconversion entachée de risques juridiques selon les experts.
Le décret-loi adopté vendredi en Conseil des ministres «nous permettra de remettre en activité immédiatement» ces structures, a expliqué le ministre de l’Intérieur Matteo Piantedosi, reconnaissant implicitement leur inutilité jusqu’ici, en dépit de l’intérêt suscité par ce projet dans l’Union européenne.
Meloni voulait créer «un modèle» pour l'Europe
La Première ministre d’extrême droite Giorgia Meloni a enchaîné les revers judiciaires dans son projet d’externaliser le traitement de l’immigration dans un pays tiers, qu’elle a pourtant présenté comme un «modèle» pour toute l’Europe. La justice italienne a en effet refusé à plusieurs reprises de valider la détention en Albanie de migrants interceptés en mer, la destination originelle de ces centres, en exigeant leur rapatriement sur le territoire italien. Ces centres sont devenus opérationnels en octobre, mais les juges italiens ont exigé le renvoi dans la péninsule des quelques migrants qui y avaient été transférés.
Le gouvernement avait pourtant établi une liste de pays dits «sûrs» afin que les demandes d’asile de personnes originaires de ces pays puissent y être traitées de façon accélérée. Mais les juges ont invoqué une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) selon laquelle les pays de l’UE ne peuvent décréter «sûr» l’ensemble d’un pays alors même que certaines régions de ce même pays ne le sont pas.
L’ancien Premier ministre et sénateur centriste Matteo Renzi, qui s’est rendu dans les centres albanais mercredi, s’est dit «choqué» à l’issue de sa visite. «Cela fait mal au cœur de voir le gâchis de centaines de millions d’euros littéralement jetés par la fenêtre par le gouvernement italien», a-t-il affirmé sur X. «Ces centres sont des structures inutiles, des créatures de la propagande Giorgia Meloni», a-t-il cinglé, alors que des médias ont diffusé des images de structures en préfabriqué désertes et commençant déjà à rouiller.
«Ces centres sont des structures inutiles, des créatures de la propagande Giorgia Meloni»
«Ces centres sont vides, coûtent beaucoup d’argent et ne servent à rien», confirme Me Guido Savio, avocat spécialiste du droit de l’immigration. La «logique» du gouvernement, avec sa décision de vendredi, c’est, «faisons voir que ces centres, en fin de compte, on les fait fonctionner d’une manière ou d’une autre».
En outre, cela permet selon lui au gouvernement d’anticiper le projet de règlement en discussion au niveau européen qui devrait entrer en vigueur en 2027 et qui prévoit une externalisation des centres pour migrants dans des pays tiers. Pour Giorgia Meloni, «l’avantage serait de dire: "Vous voyez, l’Europe nous suit"», estime Me Savio.
Mais Fulvio Vassallo Paleologo, lui aussi avocat spécialiste des questions d’immigration, met en garde contre la légalité de cette nouvelle approche et prévoit une nouvelle «avalanche de recours en justice». Pour lui, ce projet «relève essentiellement de la propagande» et «a une portée hautement symbolique pour le gouvernement, qui ne veut pas donner à voir l’échec du modèle Albanie».