Jackpot pour les accusés de traite d'êtres humains

Actualisé

Justice genevoiseJackpot pour les accusés de traite d'êtres humains

La Cour d'appel a mouché le Parquet, acquittant un couple de Roumains qu'elle a fortement dédommagé.

par
Jérôme Faas

photo: Kein Anbieter/Philippe Huguen

Ils avaient été présentés comme d'affreux esclavagistes. L'Etat devra finalement verser à ce couple de Roumains des dizaines de milliers de francs pour «détention injustifiée». La veille des Fêtes, la Chambre d'appel a achevé de mettre en pièces le dossier monté par le Parquet pour «traite d'êtres humains». Cette charge avait déjà été écartée fin 2014. Les deux transporteurs sont dorénavant aussi acquittés de l'infraction à la loi sur les étrangers (LEtr).

De 2012 à 2013, ces Roumains avaient véhiculé des compatriotes d'Aiud à Genève. Le Parquet estimait qu'ils les forçaient alors à mendier et à voler pour rembourser leur voyage. Il n'a jamais pu le prouver. Restait la loi sur les étrangers. Constatant que les Roumains ont le droit d'entrer en Suisse en vertu de la libre circulation, les juges concluent que rien n'interdit aux transporteurs de les y amener.

«Le Tribunal de police avait essayé de trouver une infraction pour justifier les mois de détention des prévenus, réagit Me Christel Burri. La Cour d'appel a eu le courage de respecter nos principes d'Etat de droit, même si cela dérangeait tout le monde de donner à ma cliente 35'000 fr.» Me Timothée Bauer, conseil de son mari, estime que l'arrêt «répond enfin à une question attendue: les transporteurs ne sont pas responsables du statut légal de leurs passagers. C'est aux autorités de procéder aux contrôles.» Quant à la traite d'êtres humains, il juge que «l'appel du Parquet était politique. La justice a su rester indépendante». Le Ministère public songe à saisir le Tribunal fédéral.

Prison plus lucrative que leur business

«Oui, ma cliente a touché le pactole», observe Me Burri. La Roumaine a perçu 34'000 fr. pour 448 jours de détention injustifiée, soit «bien plus que ce que lui aurait rapporté son business de transport durant cette période». Surtout, le niveau de vie en Roumanie est 9,5 fois moins élevé qu'en Suisse, calcule le tribunal. Le mari, lui, a touché 29'000 fr. pour 388 jours. Si les prévenus avaient vécu en Suisse, ces dédommagements auraient été revus à la hausse: ils auraient obtenu 76'000 fr. et 64'000 fr.

Ton opinion