Vaud«J’ai l’air normale mais mon cerveau n’est pas normal»
Une ex-enseignante de 49 ans a vu sa vie basculer après un accident de la route en 2000. Dans le cadre de la semaine du cerveau, elle raconte son long combat pour la réhabilitation malgré des séquelles importantes.

Joanna avait deux passions: l’enseignement et les activités sportives. Un accident a fait basculer sa vie.
DRIl y a eu Joanna l’enseignante passionnée, qui aimait distiller le savoir à ses 26 élèves de la Geneva English School, à Genthod (GE), tout en rêvant de retourner dans sa Grande-Bretagne natale où un poste de directrice d’école lui tendait les bras. La Joanna qui, par amour pour un homme, a changé ses projets d’antan et a embrassé une nouvelle vie sur sol vaudois, avec pour projet de fonder une famille. Puis, le 9 juin 2000, alors que l’année scolaire était à son crépuscule, cette prof très sportive était en route pour aller participer à un tournoi d’athlétisme à Genève. Mais à Founex (VD), un homme au volant d’une voiture arrivant en sens inverse s’est retourné car sa fille, assise sur le siège arrière, s’était mise à pleurer… «Moi, je circulais normalement. J’ai perdu connaissance après ce choc frontal», se souvient Joanna.
Elle confondait ses élèves
Héliportée aux HUG, l’enseignante y a passé trois semaines avant de faire un séjour de deux semaines à la clinique Genolier. Après cinq mois d’arrêt, les spécialistes ont estimé que Joanna pouvait reprendre sa vie d’avant, retrouver ses élèves, son cercle social, poursuivre ses activités, renouer avec sa joie de vivre... Ils ignoraient la gravité des lésions cérébrales dont avait été victime Joanna, pour qui rien ne serait plus jamais comme avant. «J’avais des pertes de mémoire. Je ne trouvais pas mes mots. J’oubliais vite, j’avais de la peine à avoir plus de deux interlocuteurs à la fois et je mélangeais le nom de mes élèves», se remémore-t-elle.
Vivre avec une lésion cérébrale
Mal dans sa peau, devenue quasi inapte aussi bien pour l’enseignement que pour les exercices physiques, Joanna a sombré dans la dépression. D’autres ombres se sont aussi glissées dans ce tableau, notamment ses cinq fausses couches. Enfant unique qui rêvait de fonder une grande famille, elle a fait bégayer l’histoire: elle a eu une fille, aujourd’hui âgée de 16 ans. En 2005, elle a contacté l’organisation Fragile Suisse, qui œuvre pour les personnes cérébrolésées et leurs proches. Cette structure a pu l’orienter vers un médecin spécialisé dans la réhabilitation.
Malgré cette nouvelle vie où il y a beaucoup plus de bas que de hauts, celle qui fut championne junior de gymnastique, de saut en longueur et de netball, ne veut pas lâcher le morceau: pour elle, l’enseignement est un sacerdoce. «Je voulais continuer. Mais mon corps a dit stop. En 2015, j’ai fait une crise d’épilepsie», raconte-t-elle. Elle s’entoure d’un neuropsychologue qui met en lumière une évidence: elle doit réadapter sa vie à sa nouvelle réalité. «Même pour aller faire les courses, je dois faire une liste et prendre une photo au cas où je perdrais ma note», poursuit Joanna.
Contente d’être comprise
Depuis sa crise d’épilepsie, elle n’a plus renoué avec le monde professionnel. Et son parcours pour obtenir l’AI a été jalonné d’écueils. «J’ai l’air normale mais mon cerveau n’est pas normal», résume l’ancienne enseignante de 49 ans. En décembre 2020, plus de 20 ans après son accident, Joanna a enfin pu obtenir une rente d’invalidité. «Mon rêve était d’être comprise. J’ai le sentiment que maintenant c’est le cas. Je suis contente.» Autre motif de satisfaction: depuis deux ans, elle ne doit plus se contenter des livres audios. «Maintenant, j’arrive de nouveau à lire et à comprendre», se satisfait-elle. Aujourd’hui, sur cette nouvelle route ascendante qu’elle arpente à l’orée de la cinquantaine, Joanna rêve de pouvoir renouer avec les exercices physiques. Histoire d’aller encore plus haut…