JaponDes employés paient des entreprises pour démissionner à leur place
Peur de se confronter à un patron menaçant ou au regard de leurs collègues: depuis la pandémie, de nombreux Nippons délèguent leur démission à l'une des 100 start-ups spécialisées.

Pendant longtemps, les Japonais ont voué leur existence à leur travail. Mais les mœurs changent, relèvent les experts.
AFPHarcèlement au travail, horaires difficiles, bas salaire, lassitude. Multiples sont les raisons susceptibles de mener à une démission. Face à la pression sociale, certains employés japonais n'osent pas annoncer frontalement leur départ. C'est là qu'interviennent des agences comme Momuri - qui signifie littéralement «ça suffit», en japonais.
L'entreprise propose depuis deux ans un service de démission par procuration pour les employés. Concrètement, les clients contactent Momuri, remplissent un questionnaire, signent un contrat et paient environ 120 francs s'ils travaillent à temps plein. L'agence contacte ensuite l'employeur au nom du client. Le processus, de la consultation initiale à la démission, peut prendre à peine 20 à 30 minutes, note The Guardian. Une fois l'affaire réglée, le client n'a plus à se rendre sur son désormais ex-lieu de travail. Le succès est au rendez-vous: Momuri a jusqu'à présent reçu 350 000 consultations en ligne et procédé à 20 000 démissions. Environ une centaine d'entreprises exercent dans ce secteur à travers l'archipel nippon.
Fini le travail à vie
Le recours à ces services s'explique par un changement d'importance accordée au travail dans la société japonaise. 60% de la clientèle de Momuri est âgée entre 20 et 30 ans, dont un grand nombre de jeunes diplômés. Selon le ministère du Travail, cité par The Guardian, plus de 30 % des jeunes diplômés quittent leur emploi dans les trois ans, un chiffre qui aurait été inimaginable au cours du miracle économique de l'après-guerre au Japon.

«Les entreprises sont traditionnellement fortes: ce que dit l’employeur est important», explique un cabinet de conseil. «Et les Japonais sont généralement réticents à tout bouleversement. Démissionner est perçu comme une fuite en avant et une évasion de ses responsabilités. Mais cela est en train de changer.»
De nombreux patrons prennent une demande de démission comme une insulte personnelle, relève le quotidien britannique. La pénurie de main-d'œuvre, due à un taux de natalité très bas, pousse les entreprises à fidéliser – voire forcer – les employés à rester, quitte à user de méthodes de coercition.