Karl Lagerfeld est décédé

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FranceKarl Lagerfeld est décédé

Le couturier de Chanel est décédé à Paris le 19 février 2019, selon le Figaro. Il serait mort d'un cancer du pancréas.

La mode est en deuil : Karl Lagerfeld, star planétaire de la haute couture qui a relancé la maison Chanel, créateur flamboyant au look unique et aux défilés spectaculaires, est mort mardi à 85 ans. La maison Chanel dont il était le directeur artistique depuis 36 ans a confirmé une information de Purepeople, qui avait annoncé sa disparition à l'hôpital Américain de Neuilly où il avait été admis en urgences lundi soir.

Quand Karl Lagerfeld parlait de Coco Chanel

Le patron du goupe LVMH Bernard Arnault s'est dit «infiniment attristé» et a rendu hommage à «son ami très cher» Karl Lagerfeld. «La mode et la culture perdent un grand inspirateur. Il a contribué à faire de Paris la capitale mondiale de la mode et de Fendi l'une des maisons italiennes les plus innovantes».

«Ton génie a touché la vie de tant de personnes, particulièrement Gianni et moi. Nous n'oublierons jamais ton talent incroyable et ton inspiration infinie. Nous avons toujours appris de toi», a réagi Donatella Versace sur Instagram.

Lagerfeld avait vu sa santé considérablement décliner ces dernières semaines, au point de ne pas se présenter pour saluer le public, après le défilé de la collection Printemps-Été 2019. Chose qu'il n'avait jamais manqué de faire depuis ses débuts chez Chanel en janvier 1983.

Cheveux blancs tenus par un catogan, lunettes noires, hauts cols de chemise amidonnés, doigts couverts de bagues et débit de mitraillette: le couturier allemand à l'allure de marquis rock'n roll était reconnaissable entre tous.

Nom associé à Chanel

Il était à la tête de trois marques (Chanel, Fendi et sa griffe éponyme), mais son nom reste étroitement associé à la maison de la rue Cambon, dont il n'a cessé de bousculer les codes en réinventant les classiques tailleurs de tweed et les sacs matelassés. Gabrielle Chanel «aurait détesté», affirmait le «Kaiser», connu par ses «karlisms», ces formules provocatrices mêlant le narcissisme et l'autodérision.

Homme de son temps, il signait des défilés aux mises en scène spectaculaires, reconstituant sous la verrière du Grand Palais tantôt une plage plus vraie que nature, tantôt les quais de Seine avec les boîtes de bouquinistes ou une forêt enchantée qui faisaient un tabac sur les réseaux sociaux

Autodérision

À la fois narcissique et champion de l'autodérision, loquace et mystérieux, cet habile communicant ne craignant jamais la controverse aimait jouer avec ce qu'il appelait lui-même son image de «marionnette». Quand il avait perdu 42 kilos en 2000, il affirmait que c'était pour être «un bon cintre» et entrer dans la garde-robe du styliste Hedi Slimane, alors chez Dior.

Derrière ce personnage à la dent souvent dure se cachait un homme intuitif, sachant mieux que personne capter l'air du temps. Comme en 2004 quand il avait dessiné une collection pour le géant suédois du prêt-à-porter H&M, une démarche ensuite imitée par de nombreux créateurs.

Le «Kaiser» avait aussi le talent de faire émerger des mannequins stars: la Française Inès de la Fressange, qui signe un contrat d'exclusivité avec Chanel en 1983, mais aussi l'Allemande Claudia Schiffer, la Britannique Cara Delevingne ou encore Lily-Rose Depp, la fille de Vanessa Paradis qui avait elle-même été mannequin pour la marque.

Mystère sur sa naissance

Né à Hambourg, Karl Lagerfeld aimait entretenir le mystère sur sa date de naissance. Pour plusieurs titres de la presse allemande, s'appuyant sur des documents officiels, il avait vu le jour le 10 septembre 1933. Il affirmait quant à lui être né en 1935, indiquant que sa «mère avait changé la date», dans une interview à Paris-Match en 2013.

Il vit une enfance aisée mais ennuyeuse au fin fond de la campagne dans l'Allemagne nazie, entre un père industriel globe trotter, et une mère à forte personnalité, grande lectrice et peu maternelle, qui lui donne le goût de la mode. Il dessine des robes en rêvant de Paris, où il débarque à l'adolescence.

Couturier «mercenaire»

En 1954, il gagne le concours organisé par le Secrétariat de la Laine, ex-aequo avec Yves Saint Laurent, avec qui il se lie d'amitié puis se brouille irrémédiablement. Le couturier Pierre Balmain l'engage: Lagerfeld restera trois ans dans cette maison avant de devenir directeur artistique de Jean Patou.

Au début des années 60, il entame une carrière de styliste indépendant, travaillant pour plusieurs maisons à la fois. «Je suis le premier qui s'est fait un nom avec un nom qui n'était pas le sien. Je dois avoir une mentalité de mercenaire», disait-il. De 1963 à 1984, il est aux manettes de la griffe parisienne Chloé. Depuis 1965, il était aussi le directeur artistique de la maison romaine Fendi, passée entre temps dans le giron du groupe de luxe LVMH.

Pour le grand public, le nom de Lagerfeld reste indissociable de Chanel. Quand il entre en 1983 rue Cambon, la maison de couture est vieillissante. Avec lui, elle redevient jeune et désirable. Pendant plus de 30 ans, il réinvente la griffe à chaque saison, jouant avec ses codes, à commencer par le fameux tailleur.

Homme de son temps, il signe des défilés aux mises en scène surprenantes et spectaculaires, reconstituant un supermarché, une galerie d'art, une rue... qui font un tabac sur les réseaux sociaux.

Sa propre griffe, lancée en 1984, connaît des fortunes diverses. Redevenue florissante depuis quelques années, elle commercialise gadgets et accessoires à son effigie: il est devenu un logo. Le couturier s'illustre aussi par ses collaborations avec différentes marques (Wolford, Diesel, Volkswagen, Coca-Cola...).

Amoureux de littérature

Côté vie privée, un homme tient une place particulière dans le coeur du couturier: Jacques de Bascher, un dandy à la beauté redoutable, dont Saint Laurent tombe lui aussi amoureux. Sa mort - il est emporté par le sida en 1989 - jette une ombre dans la vie de Lagerfeld, qui restait très pudique sur ce sujet.

Boulimique de travail («je n'ai jamais pensé à la retraite», disait-il en février), enchaînant les collections, Karl Lagerfeld avait aussi la passion de la photographie. C'est lui qui signait les campagnes Chanel.

Plus de 300'000 livres

Les livres occupaient également une place prépondérante dans sa vie: il possédait entre 250'000 et 350'000 ouvrages, selon des estimations parues dans la presse, répartis dans ses différentes demeures. Lui que sa mère forçait à apprendre chaque jour une page de dictionnaire était un amoureux de la littérature du XVIIIe notamment et du début du XXe.

Ces deux passions se retrouvent en 1999 lorsqu'il fonde sa propre maison d'édition et librairie «7L» qui édite des ouvrages sur l'architecture, la photo ou des auteurs qu'il aime. Amateur d'art, il avait vendu aux enchères en 2000 et 2003 deux de ses collections du XVIIIe siècle (3,54 M euros) et d'art décoratif (1,1 M EUR).

Le couturier, qui a eu aussi maille avec le fisc, laisse à l'en croire une riche héritière derrière lui, sa chatte adorée Choupette, qui a plus de 48'000 abonnés sur Twitter: «Elle a sa propre petite fortune. L'argent des pubs qu'elle a faites est mis de côté. Choupette est une fille riche».

La nouvelle a aussi fait le tour des réseaux sociaux. L'emblématique Cristina Cordula a immédiatement tweeté, commentant: «Avec lui, l'époque du glamour, de l'extravagance tire sa révérence. »

(szu/afp)

(szu)

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