VaudLa loi sur la mendicité est aujourd’hui «inapplicable»
La Cour européenne des droits de l’homme vient d’épingler la pratique genevoise. Par effet boule de neige, la législation vaudoise devra certainement s’adapter.

Une mendiante à la rue Saint-François, à Lausanne.
Sous sa forme actuelle, la loi vaudoise sur l’interdiction de la mendicité vit très probablement ses derniers mois. Un récent arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui a désavoué une décision genevoise d’incarcérer une mendiante pour ne pas avoir payé son amende, va fatalement changer la donne de ce côté-ci de la Versoix, estiment une majorité des députés du Canton de Vaud. Les deux réglementations cantonales sont semblables et la décision prise à Strasbourg (F) vise la Suisse, notent les élus: elle fera donc jurisprudence et sera sans doute invoquée à chaque recours contre une sanction qui vise un mendiant.
Tendre la main, oui, mais…
«Je suis agacé de ces juges étrangers qui nous obligent à modifier nos lois alors que chez nous, c’est le peuple qui décide. J’aurais préféré le statu quo, mais ce sera trop compliqué, avoue le chef du groupe UDC, Philippe Jobin. Il va falloir modifier notre législation. Certaines zones pourraient ainsi être ouvertes aux mendiants, d’autres pas.» Son collègue PLR et avocat Marc-Olivier Buffat estime pour sa part que «l’arrêt de la Cour n’indique nulle part que l’interdiction totale de la mendicité est contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. C’est la sanction genevoise qui a été critiquée. La loi n’a donc pas à être supprimée. Elle peut être aménagée, et appliquée avec bon sens comme Vaud le fait maintenant.»
Pas d’accord, rétorque le socialiste Jean Tschopp: «Le verdict de la CEDH rend la législation vaudoise inapplicable. Prohiber tout en sanctionnant d’une amende convertible en peine ferme ceux qui font la manche contrevient à la Convention européenne des droits de l’homme.» De la parole aux actes, il n’y a qu’un pas, déjà franchi par le Vert Raphaël Mahaim. Dans une motion en cours de dépôt, il demande l’abrogation de l’article sur l’interdiction absolue de la mendicité. «Ensuite, ce sera aux politiques d’agir et de décider où placer le curseur, avec par exemple des restrictions à la mendicité lorsqu’elle est exercée par ou avec des enfants.»
Plusieurs options à Genève
Le 19 janvier dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Suisse pour une lourde amende délivrée à une mendiante roumaine, à Genève. Incapable de payer, la femme avait alors écopé de 5 jours de prison. Une sanction disproportionnée, selon Strasbourg. Dans la foulée, le procureur général genevois, Olivier Jornot, a suspendu l’application de la loi et estimé que le pouvoir politique devait déterminer s’il fallait l’abroger ou la modifier. Dans la «Tribune de Genève», certains, comme le MCG, ont prôné le statu quo, accusant les juges européens d’ingérence dans des affaires locales. La droite a plaidé pour un aménagement, en limitant la répression à des zones ou des situations précises (mendicité agressive, mendicité avec ou par des enfants, etc.). La gauche veut supprimer la loi, jugée inefficace.