Val-de-Travers (NE) - La naissance d’un aiglon royal ravive les craintes liées aux éoliennes

Publié

Val-de-Travers (NE)La naissance d’un aiglon royal ravive les craintes liées aux éoliennes

Avec le développement de cette espèce dans l’arc jurassien, les défenseurs des oiseaux sont préoccupés par les projets de parcs éoliens en cours, craignant des collisions fatales aux rapaces.

Un des parents d’Archibald, récemment photographié dans le Val-de-Travers (NE).

Un des parents d’Archibald, récemment photographié dans le Val-de-Travers (NE).

Jean-Loup Fuchs

Passionné de photo, un lecteur de Sainte-Croix (VD) nous a signalé qu’un aiglon royal était récemment né dans le massif du Jura. L’association de la protection des oiseaux confirme qu’un petit nouveau est venu, début mai, perpétuer l’espèce dans le Val-de-Travers (NE). Ce mâle, surnommé «Archibald», est le petit frère de la femelle «Artemis». Sa naissance l’an dernier dans un secteur forestier entre le Creux-du-Van et le Chasseron, était la première dans le canton de Neuchâtel depuis 200 ans.

Dans notre pays, l’aigle royal avait été exterminé à la fin du XVIIIe siècle. «Aujourd’hui, la Suisse compte environ 350 couples d’aigles, la plupart dans les Préalpes et les Alpes. Le massif jurassien – côté suisse et français – en compte moins de dix, mais la tendance est à l’augmentation», constate François Turrian, directeur romand de BirdLife Suisse. La naissance d’Archibald ne peut donc que réjouir les associations de défense des oiseaux.

La craintes des éoliennes

Jean-Daniel Blant fait partie du groupe de suivi de l’espèce au Val-de-Travers. Il est souvent posté en hauteur pour guetter les allées et venues des oiseaux. «L’aiglon a pris son envol fin juillet. Il va suivre ses parents jusqu’à la fin de l’automne pour qu’ils lui apprennent à chasser. Mais actuellement, on a de la peine à les localiser», explique l’ornithologue.

Cependant, l’augmentation du nombre d’aigles royaux dans la région préoccupe également les spécialistes, inquiets de la multiplication de projets de parcs éoliens dans le secteur. «L’aigle, comme de nombreux rapaces, est fortement sensible aux éoliennes et des collisions sont inévitables si les territoires de chasse sont coupés par des parcs. C’est la principale cause de mortalité des aigles en Amérique du Nord. Sans compter que les parcs peuvent priver les rapaces d’une partie importante de leur territoire, surtout si leur nombre venait à se multiplier», détaille François Turrian. Or, cinq projets sont actuellement en discussion, entre les cantons de Vaud et de Neuchâtel.

Impacts prévisibles «faibles»

En 2019 et 2020, des journées d’observation avaient été réalisées sur les périmètres des futurs parcs éoliens de la Montagne de Buttes (NE), de Grandsonnaz (VD) et de Provence (VD). En cernant les déplacements et les comportements du couple d’oiseau tout au long de l'année, on étudiait la cohabitation de l’espèce avec les géants à vent.

Si le rapport n’est pas public, le parc Eoliennes de Provence indique, sur son site internet, que les impacts prévisibles sur les oiseaux ont été jugés «faibles», et que cette étude a montré que l’aigle royal ne survolait que très rarement la zone du projet. «À noter que le site de Provence était plus éloigné du point de reproduction, glisse l’ornithologue neuchâtelois, qui avait participé à l’étude. Une des propositions faites à l’époque était de mettre à l’arrêt les éoliennes au début de l’émancipation du jeune, lorsque le risque de collision est le plus élevé.»

Le groupe d’observateurs du Val-de-Travers déplore l’absence de programme de suivi officiel pour ces oiseaux. «Même si cela a un coût élevé, l’idéal serait d’équiper les aigles d’une balise afin de déterminer les zones problématiques. Mais il faudrait que le Canton donne son autorisation pour cela», déclare Jean-Daniel Blant. Si, à ce jour, aucun aigle royal ne semble avoir été victime des éoliennes en Suisse, «même quelques décès peuvent avoir un impact non négligeable sur les effectifs de l’espèce», précise Chloé Pang, porte-parole de la Station ornithologique suisse.

Projet avorté

En mars dernier, le Tribunal cantonal vaudois avait admis les recours des opposants à EolJoux, un projet de sept éoliennes proches du Brassus. Celui-ci aurait mis en danger une colonie de grands tétras. Parmi les organisations qui s’opposaient aux infrastructures, on comptait BirdLife, Helvetia Nostra, Pro Natura ou encore Paysage-Libre Vaud. D’autres parcs sont d’ailleurs encore dans le viseur de cette dernière.

Ton opinion

161 commentaires
L'espace commentaires a été desactivé