SuisseLa vente de déguisements «zoulous» crée le malaise
Un lecteur s'étonne de trouver en rayon des tenues de carnaval qu'il juge racistes. La Confédération les a à l'oeil.

Les tenues de zoulou en vente libre (à g.). A droite, Justin Trudeau, alors âgé de 29 ans, pris en flagrant délit de blackface.
La frontière entre humour et racisme varie en fonction de la sensibilité de chacun. On le voit avec la polémique sur le «blackface» (lire encadré). Si l'utilisation de déguisements peut donner lieu à des dérapages racistes, leur vente n'est pas réglementée. En Suisse, on peut trouver des tenues de zoulou ouvertement grotesques en magasin. Ce qui déplaît à un lecteur, mais aussi à la Commission fédérale contre le racisme.
«La vente et l'utilisation de ce type de costumes contribue à véhiculer des stéréotypes racistes et à les renforcer, estime sa présidente Martine Brunschwig Graf. Cet effet se produit indépendamment d'une éventuelle intention de nuire des personnes qui les portent.» Autrement dit, même pour rire, ces tenues sont néfastes. La Commission a d'ailleurs reçu beaucoup de plaintes d'individus choqués à l'occasion du carnaval. «Combinée à un comportement ou des propos dégradants en public, l'utilisation de ces tenues pourrait être pénalement punissable, reprend-elle. Mais il appartient aux autorités pénales d'en juger.»
Faut-il tout supprimer?
En France, sous la pression d'associations anti-racistes, plusieurs marques ont déjà retiré de leur catalogue les accoutrements zoulou ces dernières années. C'est le cas de Kiabi en 2014, ou de CDiscount l'an dernier.
Contacté, un magasin vaudois qui propose ces articles en rayon n'exclut pas de faire de même. «On est là pour faire rire, estime son gérant. Ça m'ennuie que des clients soient dérangés et je ne voudrais pas que ces déguisements soient à l'origine de dérapages.»
Mais son sentiment est partagé: «Aujourd'hui, on fait une polémique de tout. J'ai des costumes de bonnes soeurs sexy et de Mexicains caricaturaux. Je dois les retirer aussi? Quand je pense à la liberté de ton de Desproges ou de Coluche, je me dis que c'est dommage qu'on en arrive là...»
Le fabricant espagnol de ces tenues zoulou n'a pas répondu à nos sollicitations.
Des cas à la pelle
Se peindre la peau en noir et se déguiser en Africain pour plaisanter, ou même en hommage, quand on est Blanc: voilà en quoi consiste le «blackface». En quelques mois, plusieurs scandales ont ébranlé des personnalités, dont le footballeur français Antoine Griezmann et le premier ministre canadien Justin Trudeau. Tous deux ont exprimé leurs regrets. Pour ses détracteurs, la pratique renvoie au racisme ordinaire du XIXe aux États-Unis, où des spectacles, organisés par et pour des Blancs, tournaient les Noirs en ridicule et les présentaient comme paresseux, stupides ou chauds lapins.