Coronavirus à Genève - L’aide pour les clandestins peine à trouver preneur

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Coronavirus à GenèveL’aide pour les clandestins peine à trouver preneur

Sur 15 millions de francs d’indemnités Covid aux plus appauvris, seuls 900’000 fr. ont été alloués.

En avril 2020, la population genevoise la plus démunie faisait la queue aux Vernets pour obtenir des colis alimentaires.

En avril 2020, la population genevoise la plus démunie faisait la queue aux Vernets pour obtenir des colis alimentaires.

Laurent Guiraud/ Tamedia

Le souvenir des files de démunis patientant des heures aux Vernets pour obtenir à manger, durant le confinement du printemps 2020, reste vivace. Pour ces gens passant entre les mailles du filet social, dont les clandestins, le Conseil d’État avait voulu allouer 15 millions (lire l’encadré). En raison d’un référendum de l’UDC et du MCG, rejeté en mars 2021 par 69% des Genevois, l’argent n’a été libéré que le 7 avril. Et, là, surprise: au 28 mai, seuls 900’000 fr. ont été attribués.

L’État tablait sur 1500 à 3000 bénéficiaires. À ce jour, il n’a reçu que 532 demandes, malgré une large communication; 293 ont été acceptées, 100 rejetées, 130 sont en attente.

François Baertschi, du MCG, juge que «cela montre qu’attribuer ce montant était inutile». L’analyse de Caritas, l’un des mandataires chargés par l’État de monter les dossiers, est tout autre. «La loi devait apporter une aide immédiate aux gens privés de revenus. Dans un sens, l’attente due au référendum l’a vidée de son sens», explique le porte-parole Mario Togni. Beaucoup retravaillent, et «il est sans doute compliqué pour certains de se replonger dans des procédures complexes».

Il rejoint aussi Alain Bolle, directeur du Centre social protestant, qui souligne «un problème de confiance: les gens ont peur de livrer leur nom ou celui de leur employeur à l’État». La machine se met néanmoins en branle; dorénavant, l’embouteillage menace. «C’est inquiétant, juge Alain Bolle. Si tout le monde se précipite au dernier moment, on ne pourra pas tout traiter.» Car le temps presse: le 6 juillet, l’État cessera d’accepter les demandes.

Apothéloz: «L’aide est un droit»

Pour Thierry Apothéloz, conseiller d’Etat chargé de la cohésion sociale, si l’aide proposée peine à être attribuée, c’est que «malheureusement, en lançant un référendum, l’UDC et le MCG ont réussi leur coup et interrompu un élan». Observant par ailleurs que les ressortissants de certains pays ont «un rapport à l’Etat empreint de méfiance», l’élu déclare n’être pas découragé, mais au contraire «conforté quant à la nécessité de travailler sur le non-recours à l’aide étatique. Certains pensent que c’est une façon de faire des économies, je pense exactement le contraire. C’est un droit.» Et d’appeler les bénéficiaires potentiels à saisir l’occasion. «Ils peuvent encore s’adresser aux mandataires» que l’Etat a choisi pour atteindre les populations concernées.

4000 francs par mois

La loi votée le 7 mars offre d’indemniser 80% de la perte de revenu survenue entre le 17 mars et le 16 mai 2020. L’aide est plafonnée à 4000 fr. par mois. Elle s’adresse à ceux qui ne sont pas éligibles aux autres aides, y compris les sans-papiers. Le bénéficiaire doit prouver sa perte de revenu, mais l’État peut prendre en compte une déclaration plausible sur l’honneur. Les référendaires jugeaient que la loi encourageait le travail au noir.

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