
À Willow Beach, les kayaks évoluent sur le Colorado, frontière naturelle entre le Nevada et l’Arizona.
Emmanuel CoissyVoyage aux États-UnisLas Vegas dévoile son côté nature
Les territoires proches de la capitale du jeu forment un désert où la vie n’a pas dit son dernier mot. En route pour le Nevada et l’Arizona.
Les yeux de l’Amérique étaient rivés sur Lady Gaga et Justin Bieber qui, entre autres stars de la chanson, ont paradé sur le red carpet des Grammy Awards, dimanche dernier à Las Vegas. Paillettes à gogo, shows grandiloquents, casinos insomniaques: Sin City n’usurpe pas sa réputation même si, ces deux dernières années, un certain virus a débranché la machine à fric et métamorphosé les chippendales et les fausses Marilyn en vrais chômeurs. À quelque chose malheur est bon. La crise sanitaire a notamment accentué l’intérêt de la population locale pour la nature environnante.

La roche, sculptée par la nature, se décline en tons ocre.
Emmanuel CoissyÀ quelques kilomètres de la ville, incongruité au milieu du désert du Nevada, s’étend un territoire tout aussi attrayant. Loin des néons criards et du gazon en plastique, la roche se décline en tons ocre. Le Grand Canyon constitue, sans doute, l’excursion la plus prisée. Son survol en hélicoptère confine au sensationnel, tout comme sa découverte en voiture façon road-movie. D’autres coins, tant au Nevada qu’en Arizona, invitent à découvrir Las Vegas côté nature. Et à ce jeu-là, contrairement à la roulette, personne n’est perdant.
Valley of Fire

La température peut atteindre 45°C, en été.
Emmanuel CoissyLes nuages qui s’amoncellent sur la tête de Jürgen Kiefer représentent à ses yeux (bleus) le temps idéal. Dans le parc d’État de Valley of Fire, la température est une inquiétude constante pour le guide, immigré allemand âgé de 62 ans. En ce début du mois d’avril, elle culmine à 25°C à l’ombre et peut atteindre 45°C, en été. D’ailleurs, pendant cette saison-là, la compagnie qui l’emploie interrompt son activité dans ce coin du désert du Nevada, situé à 75 kilomètres au nord-est de Las Vegas. On l’atteint par la route pour s’aventurer sur une étendue aussi aride qu’exubérante. L’exubérance de paysages sculptés et peints par mère Nature, excessivement inspirée. Leur photogénie, si attractive, prend vite le pas sur l’intérêt géologique. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont servi de décor à un «Star Trek».

Jürgen Kiefer, guide et fin connaisseur du désert du Nevada.
Emmanuel Coissy«Ne touchez à rien dans un désert», avertit le guide en pointant du doigt les aiguilles empoisonnées d’un silver cholla, le nom en anglais d’un magnifique cactus dont la piqûre provoque une sérieuse infection. Dans la foulée, le sexagénaire frotte, entre ses paumes, les fines branches fleuries d’un créosotier qui pousse juste à côté. Le geste révèle une odeur fumée. La faune, elle, joue à cache-cache. On ne voit guère de serpents ou de scorpions. Lézards, chèvres, antilopes d’Amérique et rapaces sont farouches et se tiennent à bonne distance. Plus téméraires, les tamias tentent de chiper des miettes sur les aires où les visiteurs avalent leur casse-croûte ou allument un barbecue. Certains voyagent en camping-car et dorment dans des zones désignées dont il ne faut pas sortir quand la nuit est tombée, au péril de sa vie. Entre le crépuscule et l’aube, l’humain n’est plus le maître des lieux.
Grand Canyon West

Le site est accessible par la route. Depuis Las Vegas, il faut compter 2 heures 30.
Emmanuel CoissyPar la route, depuis Las Vegas, on met 2 heures 30 pour arriver au plus célèbre canyon du monde. Et quelle route! Celle-ci est jalonnée de paysages étourdissants, en Arizona. On aperçoit, au loin, des maisons en planches et des caravanes, après avoir quitté l’autoroute. Puis, on débouche sur la Joshua Tree Forest (à ne pas confondre avec le parc national californien). En ce mois d’avril, on observe la floraison des cactus dont la multitude donne l’impression d’être face à une armée. Enfin, on pénètre dans la réserve des Hualapai, les Amérindiens qui gèrent l’activité touristique à Grand Canyon West. Actuellement, les visiteurs sont nombreux même si leur proportion a été fortement réduite à cause de la crise sanitaire. Les vols touristiques en hélicoptère sont aussi moins fréquents. Par conséquent, lors de l’excursion, l’attention n’est captée que par la splendeur de la vallée. Gare à ne pas trop s’approcher du bord pour prendre un selfie…

Joshua Tree Forest
Emmanuel Coissy
Le lac Mead
Emmanuel CoissySécheresse extrême
Le barrage Hoover fait partie des curiosités touristiques les plus populaires de la région. Son achèvement, en 1935, a permis l’essor de Las Vegas grâce à l’apport d’eau. Il produit aussi de l’électricité pour le Nevada, l’Arizona et le Californie. La retenue du Colorado forme le lac Mead, le plus grand lac artificiel du pays. Son niveau ne cesse de baisser, signe de la sécheresse extrême qui frappe le sud-ouest des États-Unis. Le phénomène, accentué par l’implication humaine dans le réchauffement climatique, est attesté par une étude publiée en février dans la revue «Nature Climate Change». Elle conclut que les deux dernières décennies ont été les plus arides depuis douze siècles.
Kayak sur le Colorado

Les gens du coin profitent du week-end pour naviguer sur le Colorado.
Emmanuel CoissyLes eaux boueuses du fleuve qui ont creusé le Grand Canyon sont limpides après avoir été filtrées par le lac Mead et le barrage Hoover. En aval du géant de béton (lire l’encadré ci-dessus), les kayakistes évoluent librement dans le Black Canyon. On peut pagayer sur 107 kilomètres jusqu’au barrage Davis, qui endigue le lac Mohave, au niveau de la ville de Laughlin. Le Colorado constitue la frontière naturelle entre le Nevada et l’Arizona. On accède au charmant port de Willow Beach en une heure par la route depuis Las Vegas. Le lit forme là un coude aux reliefs spectaculaires. Les frêles embarcations s’aventurent dans une grotte où l’eau prend un reflet émeraude, puis s’échouent sur des plages de galets propices au pique-nique. Le rendez-vous est populaire, en particulier le week-end. Des habitants des deux États, mêlés aux touristes, viennent s’y ressourcer.

À voir et à boire

Situées à 16 kilomètres de Las Vegas, les Seven Magic Mountains sont une installation monumentale d’Ugo Rondinone, star suisse de l’art contemporain. Le site attire badauds, esthètes et instagrameurs.

Le Red Rock Canyon se trouve aux portes de la ville. Il est caractérisé par sa roche polychrome. Résidents et touristes s’y rendent pour une balade en famille. Des jeunes gens en quête de sensations fortes s’amusent à l’escalader.
Ce n’est pas un mirage. Le désert du Nevada est une région viticole. Les vignobles (chardonnay, merlot, pinot noir, cabernet sauvignon) poussent à l’ouest de l’État, près de la Californie, aux abords de la ville de Pahrump, et plus au nord, du côté de la capitale, Carson City. La feuillaison, au printemps, sera suivie par l’apparition des grappes.