«Sales n*gres»: la vidéo d'un tabassage raciste enflamme les réseaux

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Lausanne«Sales n*gres»: la vidéo d'un tabassage raciste enflamme les réseaux

Les images d'une baston dans une boîte du Flon font froid dans le dos. L'agression soulève de nombreuses questions. Un agent de sécurité a été licencié.

Depuis deux jours, les vidéos glaçantes d'un passage à tabac dans les rues du Flon, à Lausanne, circulent sur Instagram et WhatsApp. On y voit deux hommes noirs se faire rouer de coups, et on y entend les agresseurs les traiter de «sales n*gres» et les menacer de mort.

Les images ont notamment été partagées par l'Association des étudiants afro-descendants de l'Unil (Aea), qui réagit: «Cet incident, loin d'être isolé, illustre tristement que le racisme demeure un problème grave et persistant en Suisse. Les personnes noires continuent d'y subir des violences motivées par la haine et la discrimination raciale.»

«Les sécus auraient dû les mettre en sécurité»

Outre l'agression elle-même, ce qui fait réagir sur les réseaux, c'est la réaction du personnel du Punk bar, la boîte où tout a commencé. Dans la mêlée, on distingue en effet des agents de sécurité peu véhéments, voire franchement inutiles, lorsque l'une des victimes est encerclée et tabassée. Certains appellent au boycott.

Chancel Soki, président de l'association À qui le tour, ne mâche pas ses mots. En contact avec les victimes, il dresse un récit chargé. «Les sécus ont laissé faire, c'est le moins qu'on puisse dire. Ils auraient dû les mettre en sécurité.» Pour lui, cette scène témoigne d'un problème plus global, «et cette fois, ça a été filmé, et ça sort. Parce que ça va trop loin, c'est trop souvent. On n'accepte plus.» Selon ses dires, la boîte est récemment devenue peu fréquentable pour les personnes afro-descendantes.

Videur viré

Contacté, le patron du Punk, Jamel Kaissi, se défend de toute accusation de racisme. «Je l'ai subi moi-même, je ne veux surtout pas de ça», réagit-il, rappelant que tant son personnel que sa clientèle sont métissés. Il raconte sa version des faits.

«Les deux groupes ont commencé à se battre dans la boîte. Nos agents ont fait leur travail, accompagnant un groupe vers la sortie pour les séparer, sans savoir que d'autres attendaient dehors. Ça a fait l'effet d'un guet-apens. Un employé essayait de tirer la victime dehors pour la sortir de cet essaim, alors oui, on peut discuter de savoir si c'était la meilleure stratégie. Par contre, là, l'agent présent aurait effectivement dû intervenir. Il a été licencié le lendemain des faits.»

Concernant les accusations de connivence ou de racisme de la part de son ex-employé, «ce serait lui faire un procès d'intention. Il n'a effectivement pas fait son travail, mais je n'ai jamais décelé autre chose».

La police aussi pointée

Quant à la police, elle n'échappe pas aux critiques. «Les agents ont juste pris l'identité des victimes, c'est tout», dénonce Chancel Soki. Celle-ci ne s'est d'ailleurs pas adressée au Punk jusqu'à la sortie des vidéos sur le web.

Contactée, la police lausannoise assure prendre très au sérieux ces images et mener des investigations. Son porte-parole, Michel Gandillon, indique que le lien entre la vidéo et l'agression n'est pas encore établi, «car à l’arrivée des patrouilles, les protagonistes avaient quitté les lieux et personne n’a été interpellé. Des recherches avaient été entreprises. Celles-ci avaient permis d’identifier une victime, un Suisse de 22 ans.» Celui-ci a toutefois refusé de porter plainte. «Ils ne croient pas en la justice», glisse Chancel Soki. L'Aea, elle, a dénoncé le cas.

Le municipal de la police, Pierre-Antoine Hildbrand, a par ailleurs réagi en qualifiant ces images de «choquantes et inacceptables». «Lausanne ne tolère aucun acte ou propos raciste. J’ai demandé à la police d’investiguer afin de retrouver les personnes impliquées.» Celle-ci lance donc un appel «aux personnes ayant des renseignements en lien avec la vidéo diffusée, de prendre contact avec la police municipale de Lausanne au 021 315 15 15 ou par e-mail à police@lausanne.ch

Un problème de sécu?

Des cas d'agression ou de discrimination raciale dans le monde de la nuit font régulièrement surface. «Il y a beaucoup de raisons de refuser quelqu'un en boîte. Sans les minimiser, les accusations de racisme ne sont pas toujours fondées», réagit Jamel Kaissi. Tant le patron du Punk que le directeur de l'association La belle nuit, le patron du D!, défendent le professionnalisme de la plupart des agents, formés et encartés. «Par contre, l'existence d'un racisme latent est bien réelle, complète Thierry Wegmuller. Mais les sécus racisés le subissent aussi.»

Victime ou témoin de racisme ou de discrimination?

  • Permanence de la Ville de Lausanne : 021 315 20 21, inforacisme@lausanne.ch

  • SOS Racisme: 0800 55 44 43

  • Centre d'écoute contre le racisme : 022 736 20 00

  • Police : 117

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