Faut-il interdire la publicité commerciale en Ville de Genève?

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Ville de GenèveGauche et droite s’écharpent sur la pub commerciale

Le règlement d’application de l’initiative «Genève Zéro Pub», qui veut bannir l’affichage commercial, sera soumis au vote le 12 mars. Les partisans y voient une libération des rues. Les opposants crient à la censure.

En 2017, lors d’un changement de concessionnaire, des affiches étaient restées vierges. Certains habitants avaient exprimé leur talent dessus. C’est ainsi qu’est née l’idée de l’initiative.

En 2017, lors d’un changement de concessionnaire, des affiches étaient restées vierges. Certains habitants avaient exprimé leur talent dessus. C’est ainsi qu’est née l’idée de l’initiative.

TDG

Faut-il bannir la publicité commerciale en Ville de Genève? Ce sera à la population d’en décider le 12 mars prochain. Électeurs et électrices de la Municipalité se prononceront sur le règlement d’application de l’initiative «Genève Zéro pub». Pour la gauche et plusieurs associations citoyennes à l’origine du texte, «il s’agit de dire stop aux injonctions permanentes qui poussent à la surconsommation et polluent les rues». La droite, les Vert’libéraux et les milieux économiques, qui se sont opposés au texte via un référendum, dénoncent «une censure qui va mettre à mal artisans et petits commerçants».

Mais que prévoit le règlement? L’interdiction de l’affichage commercial sur le domaine public et privé lorsqu’il est visible dans l’espace public. En revanche la publicité culturelle, politique ou à portée éducative et la promotion de manifestations culturelles, sportives, événementielles ou récréatives resteront autorisées.

«Il ne peut pas y avoir de commerce sans publicité.»

Michèle Roullet, coprésidente du comité référendaire

«Le bouche à oreille ne suffit pas. Il ne peut pas y avoir de commerce sans publicité. L’interdire revient à prendre le risque que des commerces locaux mettent la clé sous le paillasson», martèle Michèle Roullet, la PLR, coprésidente du comité référendaire. «Plusieurs petites entreprises utilisent cette publicité pour lancer leurs activités, abonde Flore Teysseire, secrétaire patronale de la Fédération du commerce genevois et du Trade Club.

«Faux!» rétorquent les initiants, qui assurent que «seuls les grands groupes peuvent se payer ces affiches. Ils font la promotion de services et de produits nocifs. C’est un mensonge de dire qu’on met en danger l’économie. Bien au contraire, la publicité commerciale rend les gens malades, dépressifs et endettés. Ce sont des personnes qui vont ensuite être à la charge de la société», estime Emmanuel Deonna (PS), du collectif Genève sans publicités.

Libérer le paysage urbain

«Le paysage urbain est saturé de messages agressifs auxquels on ne peut échapper», relève François Mireval, coordinateur du comité d’initiative (PS). Il s’agit de réguler «seulement 20% des affiches, soit une petite partie de la publicité». Une manière de «protéger» la population très réductrice, selon Flore Teysseire. «On dit aux gens ce qu’ils ont le droit ou non de voir, comme s’ils n’avaient pas de capacité décisionnelle propre.»

«Ce n’est pas de la régulation, c’est de la censure. On veut faire la distinction entre la bonne et la mauvaise pub. C’est très moralisateur», renchérit Michèle Roullet, qui rappelle que les panneaux ne vont pas disparaître et continueront de faire l’objet de promotions. Oui mais… «Le projet vise aussi à permettre aux habitants de se réapproprier des surfaces vierges. Certains n’attendent que ça pour exprimer leur talent», souligne le socialiste.

Quelle perte pour la Ville?

Autre point de discorde: la perte de gains pour la collectivité. Du côté des partisans, on la chiffre à environ 4 millions de francs, soit le montant de la redevance versée par le concessionnaire qui gère l’affichage. Pour les opposants, le montant atteindrait le double si l’on compte l’entretien des panneaux et les frais d’affichage (qui devront être assumés par la Municipalité), ainsi que les pertes d’emplois et de rentrées fiscales. Une enveloppe «dérisoire à l’échelle du budget de la Ville», estime le coordinateur du comité d’initiative.

Lausanne dit non, Yverdon étudie la question

Jusqu’ici, seul Le Mont-sur-Lausanne (VD) a franchi le pas. La Ville d’Yverdon, elle, va étudier la question, après l’acceptation, en 2022, du postulat «Libérons la ville du royaume de la consommation». Du côté de Lausanne, un refus catégorique avait accueilli une proposition écologiste similaire en 2019. À Genève, en cas de oui, le règlement d’application entrera en vigueur le 1er janvier 2025, soit à la fin de la concession d’affichage actuellement octroyée à Neo Advertising SA. Si la population refuse, l’initiative populaire sera caduque et une nouvelle concession sera mise au concours.

Six ans d’attente pour voter

Lancée en 2017, sous l’impulsion des associations Réseau objection de croissance, Quartiers collaboratifs, Genève sans publicités et Genève libérée de l’invasion publicitaire, l’initiative a connu plusieurs volets judiciaires avant d’être validée par le Tribunal fédéral puis acceptée par le Conseil municipal en 2021.

«Après plusieurs années de combat citoyen et de procédures judiciaires, le peuple va enfin pouvoir se prononcer. C’est déjà une victoire», se réjouit Emmanuel Deonna.

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