Le mythe de Catillon la sorcière

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FribourgLe mythe de Catillon la sorcière

En 1731, Catherine Repond était exécutée pour sorcellerie. Des années plus tard, une légende a servi à justifier cette mise à mort.

Cathy Macherel
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Cathy Macherel
La pierre censée avoir tué les vaches du Moléson.

La pierre censée avoir tué les vaches du Moléson.

Jetée au bûcher. Ainsi périt Catherine Repond, dite Catillon, après avoir été accusée d'avoir pactisé avec le diable. Celle qui mendiait du lait et du fromage dans les alpages et prédisait le malheur à ceux qui lui refusaient l'aumône eut droit à deux procès en sorcellerie successifs, l'un à Corbières, l'autre à Fribourg. On l'accusa de tout et un témoin clé, le bailli de Corbières, jura même l'avoir vue se transformer en renard ou en lapin. Sous la torture, elle avoua sa relation avec Satan. Et devint ainsi, le 15 septembre 1731, la dernière sor­cière de Suisse à rôtir dans les flammes.

C'est bien après son exécution, probablement au XIXe siècle, qu'apparaît la légende de la «Pierre à Catillon». Elle raconte comment la sorcière apparut un jour d'orage, entourée de démons, au sommet du Moléson. Durant l'une de ses colères noires, la «tordue» y fit rouler une pierre qui dévasta tout

sur son passage, dont un troupeau d'innocentes vaches. Aujourd'hui, près du funiculaire qui gravit les pentes bucoliques de la montagne, on peut voir le bloc de rocher maudit dormir au bord d'un... parking. Sur la pierre, une trace en forme de sabot qui serait la preuve que Catillon fréquentait le diable.

La légende, sur fond de culpabilité, a-t-elle servi à justifier l'exécution de la pauvresse dans l'imaginaire collectif fribourgeois? «Difficile à dire, selon Kathrin Utz Tremp, histo­rienne aux Archives cantonales de Fribourg et spécialiste des procès en sorcellerie. Mais la légende est certainement plus connue que la vraie histoire de Catherine Repond.» Le 12 octobre prochain, celle-ci aura droit à l'inauguration d'une place portant son nom à Fribourg, au Guintzet, le lieu même de son exécution. Si Catillon fut moralement réhabilitée en 2009, de nombreuses zones d'ombre quant aux raisons de sa mise à mort continuent de hanter les esprits.

Que cache cette exécution?

De nombreux mystères entourent encore la mort de Catherine Repond. Faute de fonds, le deuxième procès, celui de Fribourg, n'a encore guère été étudié par les historiens. Pour Jean-Pierre Dorand, élu qui fut à l'origine de la motion réclamant sa réhabilitation, «il est quasi établi que cette affaire servit à en cacher d'autres, mais on en est encore réduit aux hypothèses.»

L'une d'elles, soutenue dans un livre par l'historienne Josiane Ferrari-Clément*, avance l'idée que Catillon aurait été le témoin gênant d'un réseau de faux-monnayage impliquant les plus hautes sphères du pouvoir. Elle en savait trop. Pour Kathrin Utz Tremp, aux Archives cantonales, rien n'est prouvé: «L'histoire a montré que les accusations de sorcellerie survenaient par peur des représailles, lorsqu'il y a refus de charité. Or on retrouve ce schéma classique dans l'affaire de Catillon.» (mal)

Voir la pierre

Y aller Depuis Gruyères, direction Moléson-Village. Se garer sur le parking. La «Pierre à Catillon», rafistolée de béton après un déplacement raté en 1962, se trouve devant le restaurant du même nom.

Vouer un culte à la sorcière Prendre le funiculaire qui monte à Plan-Francey. A partir de là, deux options: entamer la grimpette du Moléson à pied par le sud ou prendre le téléphérique qui atteint le sommet (oui, là où la Catillon sévit), pour un panorama à couper le souffle.

Dévaler la pente Au pied du funi, le parc de loisirs de Moléson, avec son bob-luge qui descend la montagne (6 fr. la descente, tout de même), fait le bonheur des familles.

Josiane Ferrari-Clément, «Catillon et les écus du diable», Editions La Sarine, 2008. Prix: 29 fr.

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