Le Parquet veut punir les convoyeurs de mendiants

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GenèveLe Parquet veut punir les convoyeurs de mendiants

Le Ministère public a saisi le Tribunal fédéral. Il désire que des transporteurs soient condamnés pour infraction à la loi sur les étrangers.

par
Jérôme Faas
Le Ministère public souhaite faire condamner les transporteurs de mendiants pour infraction à la Loi sur les étrangers.

Le Ministère public souhaite faire condamner les transporteurs de mendiants pour infraction à la Loi sur les étrangers.

photo: Keystone/Dominic Favre

Amener des mendiants en Suisse est-il punissable ou pas ? Le Tribunal fédéral va devoir se pencher sur la question. Le Ministère public vient de faire appel à lui dans l'affaire du couple de Roumains accusés de traite d'êtres humains et d'infraction à la Loi sur les étrangers (Letr): de 2012 à 2013, ils avaient régulièrement transporté plusieurs compatriotes d'Aiud au bout du lac. La Chambre d'appel pénale genevoise les avaient acquittés des deux chefs d'accusation fin décembre.

«Ils ne faisaient pas que mendier»

La procureure Rita Sethi-Karam ne veut pas céder en ce qui concerne l'infraction à la Letr. «Ce que la Chambre d'appel a jugé, c'est qu'en-dessous de trois mois, en vertu de la libre circulation, des ressortissants roumains n'avaient pas à démontrer avoir le droit d'entrer en Suisse, même pour y mendier.» Autrement dit, leurs convoyeurs ne pouvaient pas être inquiétés. «Mais ils ne faisaient pas que mendier: ils cambriolaient, volaient, se prostituaient. Et cela, leurs transporteurs savaient que c'était interdit même pour moins de trois mois, peu importe les règles sur la libre circulation.»

Une question de principe

La magistrate estime donc que le couple de chauffeurs a bien enfreint la Letr, «puisqu'il a facilité en connaissance de cause l'entrée en Suisse de gens venus y commettre des délits, voire des crimes.» Elle entend soumettre la question de principe au Tribunal fédéral, puisqu'elle juge «choquant du point de vue de l'ordre public et de l'équité qu'un étranger, venu à Genève travailler sans permis comme plongeur dans un restaurant, soit condamné par une ordonnance pénale, alors qu'un Roumain favorisant des comportements délictueux n'est pas inquiété.»

Avocat du mari, Me Timothée Bauer rétorque que «même s'il était interdit aux passagers roumains d'entrer en Suisse, ce dont il faudrait encore faire la preuve, ce n'est pas aux transporteurs de se transformer en auxiliaires de police pour vérifier la qualité de leurs clients et d'aider à la bonne application de la Letr.»

«Une bonne chose que notre haute instance tranche»

«Depuis le départ, le Ministère public souhaite que, d'une façon ou d'une autre, le transport de mendiants soit sanctionné, observe Me Christel Burri, qui défend l'épouse. Ce sera de toute façon une bonne chose que notre haute instance tranche une bonne fois pour toutes. Quelque part, le Parquet était obligé de la saisir. Des procédures comme cela, à Genève, il y en a d'autres, et le Tribunal fédéral n'a encore jamais rendu de décision à ce sujet. »

Esclavagisme pas prouvé

S'agissant du volet traite d'êtres humains de l'affaire, la procureure Rita Sethi-Karam renonce à recourir au Tribunal fédéral. «On a toujours estimé qu'elle était réalisée, mais nous n'avons pas réussi à démontrer l'aspect contrainte et l'exploitation des "clients" par ces convoyeurs accusés de percevoir des intérêts usuriers sur leur dette.»

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