ZUrichLe projet d’une carte d’identité pour les sans-papiers en bonne marche
La Ville de Zurich vient d’accorder un budget de 3,2 millions de francs au projet. Mais ce dernier n’a pas fait l’unanimité parmi les autorités. En Suisse, seule une autre commune se penche sur la possibilité d’une «carte d’identité» pour les sans-papiers.

La Ville de Zurich doit encore examiner les possibilités d’application concrète de sa «City-Card» pour les personnes sans-papiers.
20min/CommunityDonner plus de droits aux personnes n’ayant pas de statut légal de résidence? C’est ce que propose la Ville de Zurich. Le Conseil communal zurichois lance son projet de «City-Card» pour les personnes sans-papiers, a annoncé la «NZZ», dans un article publié mercredi. Actuellement, on estime à plus de 10’000 le nombre de sans-papiers dans la ville.
Le Parlement zurichois vient d’approuver des fonds pour les «travaux préparatoires» concernant la carte d’identité. Près de 3,2 millions de francs ont été débloqués. Mais ce projet (finalement approuvé par 65 voix contre 40) n’a pas fait l’unanimité au niveau politique. Ses conditions d’application concrète – juridiques et techniques – agitent encore le Conseil communal zurichois.
Des possibilités limitées
Beaucoup de services sont inaccessibles lorsque l’on ne possède pas de document d’identité. Les sans-papiers ne peuvent par exemple pas ouvrir de compte en banque. Si l’éducation leur est accessible, ils ont souvent peur de porter plainte quand ils sont victimes d’un délit ou de maltraitance.
La «City-Card» ouvre leurs possibilités d’accès aux services officiels, aux soins et au logement, mais aussi au droit et à la justice. Mais elle ne consiste pas en une régularisation à proprement parler.
Ce sont des membres du Parti socialiste, des Vert-e-s et de la Liste alternative qui ont demandé l’introduction de la carte il y a trois ans. Le projet s’inspirait du modèle new-yorkais, qui a délivré une carte d’identité à tous ses sans-papiers en 2014.
Un débat politique et juridique
Mais le PLR et l’UDC se sont opposés au projet et ont dénoncé une mesure «illégale». Pour Yasmine Bourgeois, membre du PLR, c'est à la Confédération et au Canton uniquement que revient la responsabilité de dicter et d’appliquer la loi sur les étrangers. Marco Geissbühler, quant à lui, espère que la «City-Card» améliore la vie difficile des sans-papiers.
Après avoir obtenu deux avis juridiques, le Conseil communal zurichois a estimé que la création d'une telle carte était compatible avec le droit supérieur, mais que son application était limitée et compliquée. Les autorités de la ville espèrent néanmoins donner la possibilité aux sans-papiers de participer davantage à la vie culturelle et sociale, selon le quotidien alémanique.
Un projet qui existe déjà en Suisse
Seule une autre commune est familière au projet. En février 2021, la Chaux-de-Fonds a accepté une motion du Parti ouvrier populaire (POP) visant à introduire une «carte citoyenne» pour tous les habitants de la métropole. Le Conseil communal a, dès l’acceptation, un an pour étudier son application concrète.
En Suisse, on estime qu’il y a entre 90’000 et 250’000 sans-papiers, selon le syndicat Unia. Ce dernier rappelle d’ailleurs que, s’ils ont beau être qualifiés de «résidents illégaux dans le jargon officiel, il reste une règle élémentaire que beaucoup ignorent: même les sans-papiers ont des droits.»
La politique de Berne en matière de «sans-papiers»
La Confédération a jugé «adéquat» le système en la matière, en décembre 2020. Mais le CF avait par ailleurs rejeté une régularisation générale des sans-papiers. En réaction, la Plateforme nationale des Sans-Papiers avait pris position. «Après deux ans et demi de travail, le Conseil fédéral présente un rapport qui banalise le sujet des sans-papiers et n'apporte absolument rien de nouveau, écrivait l’organisation dans communiqué en juillet 2021. Il ne propose strictement rien pour répondre aux problèmes urgents d'accès à la justice ou encore aux inégalités massives qui existent entre les cantons dans le traitement des demandes pour cas de rigueur.» Elle avait également revendiqué une action du Législatif: «Face à l’inaction du Conseil fédéral, c’est au Parlement d’agir.»
Au Parlement justement, l’UDC avait déposé une motion en mai 2021. Celle-ci souhaitait interdire aux communes et aux cantons de délivrer des documents d’identité aux «migrants illégaux». Même si le Conseil fédéral propose de rejeter la motion, il convient du fait que «de telles cartes ne représentent pas une solution en matière de réglementation du séjour des personnes qui résident illégalement en Suisse». Il écrit également que les modifications souhaitées ne se justifient pas car «les bases légales actuelles confèrent déjà la compétence exclusive à la Confédération de légiférer sur l'entrée, la sortie, le séjour et l'établissement des étrangers et sur l'octroi de l'asile ainsi que sur les documents d'identité».