Attaque nucléaire«Le risque est plus grand que pendant la guerre froide»
L’ordre de Poutine de mettre les forces nucléaires en état d’alerte a encore accru les tensions internationales. Que se passera-t-il si le président russe passe réellement aux actes?

«La destruction causée par les bombes nucléaires peut atteindre un périmètre de 21 kilomètres», explique Marc Finaud du centre de politique de sécurité de Genève.
Reuters«Même si une utilisation d’armes nucléaires est très improbable, elle ne peut jamais être totalement exclue dans un conflit avec une puissance nucléaire.» C’est ce qu’a récemment déclaré Oliver Thränert, expert en sécurité de l’École polytechnique fédérale de Zurich, interrogé par le «Tages-Anzeiger». Quelles seraient les conséquences d’une attaque nucléaire de la Russie?
Selon Marc Finaud, du Centre de politique de sécurité de Genève, il est très difficile d’évaluer la situation: «On n’a que peu d’informations sur la force de frappe nucléaire des Russes.» Depuis la première détonation à Hiroshima en 1945, environ 2000 tests nucléaires ont été effectués, le dernier par la Corée du Nord en 2017, précise-t-il.
Fusion des particules
«La technique a fortement changé depuis Hiroshima», explique Marc Finaud. «Outre la fission des atomes, on travaille désormais aussi avec la fusion de particules, ce qui a multiplié par cent la puissance de détonation des bombes.»
La Suisse peut-elle être touchée? «La France dispose d’armes nucléaires. Si le pays devait être poussé à les utiliser, il faudrait s’attendre à une riposte. La Suisse, en tant que pays voisin, serait alors fortement touchée.»
Lésions à long terme
Les abris de la Suisse aideraient à se protéger contre la destruction immédiate causée par les bombes atomiques, mais seulement à court terme, estime-t-il. «La radioactivité finirait par provoquer des lésions à long terme chez l’homme. Elle est invisible et ne peut être mesurée qu’avec un compteur Geiger», explique-t-il. Si quelqu’un se cache dans un bunker et en sort sans se douter de rien après une attaque nucléaire, il pourrait ne pas savoir qu’il est irradié.
La «pluie noire», véritable catastrophe
Marc Finaud explique les phases de destruction après une détonation: «D’abord, une boule de feu détruit tout dans un premier rayon. Elle s’accompagne d’une poussée de chaleur qui met le feu à tout ce qui se trouve plusieurs kilomètres à la ronde.» Puis, une onde de choc provoque des dégâts dans un rayon encore plus grand, en fonction de la taille et de la puissance de la bombe.
La catastrophe est ensuite provoquée par la «pluie noire» ou «l’hiver nucléaire»: «Les cendres radioactives sont dispersées dans tout l’environnement et irradient le pays à long terme. En raison de la rotation de la Terre et des courants de vent, une couche de poussière pourrait recouvrir tout le globe et bloquer les rayons du soleil», explique l’expert. Cela entraînerait à son tour des pertes de récoltes et des famines.
Pas de vainqueur dans une guerre nucléaire
Il existe des moyens de défense, «mais il est quasi impossible de détecter et de repousser de telles armes sans faille, car les missiles sur lesquels sont fixées les têtes nucléaires sont extrêmement rapides et peuvent vite changer de direction.» Et d’ajouter: «La plupart des missiles ont plusieurs ogives qui peuvent être dirigées avec précision sur leur cible malgré les systèmes de défense.»
Il souligne finalement: «Toutes les puissances nucléaires sont conscientes qu’il n’y a pas de vainqueur dans une guerre nucléaire.» Néanmoins, le risque d’utilisation d’armes nucléaires est plus élevé aujourd’hui qu’à l’époque de la guerre froide, estime-t-il. «Bien qu’il y ait globalement moins de bombes nucléaires, elles sont désormais réparties entre davantage de pays. Cela comporte des risques plus élevés.»