Intelligence artificielleLes générateurs d’images passent mal auprès des artistes
En voulant rendre hommage à un illustrateur décédé, un développeur s’est attiré les foudres de la communauté des mangas et des animes.

Illustration générée via un modèle d’intelligence artificielle alimenté par les œuvres de Kim Jung Gi.
twitter/5you/restofworldTout est parti manifestement d’une bonne intention: un hommage appuyé au célèbre illustrateur sud-coréen Kim Jung Gi décédé début octobre à Paris à l’âge de 47 ans. Connu sous son pseudo «5you», un développeur français a mis en ligne un outil dopé à l’intelligence artificielle (IA) permettant à n’importe qui de créer, à l’aide d’une simple invite de texte, des illustrations répliquant le style de Jung Gi.
Mais l’auteur de cet outil automatisé a été rattrapé par la qualité des illustrations générées. Malgré quelques ratés, elles affichent des champs de bataille dystopiques et des marchés d’un style étrangement aussi précis et détaillé que les propres créations de Jung Gi.
Et cela n’a pas été du goût de la communauté des mangas et des animes qui n’ont pas vu le générateur d’images comme un hommage, mais comme un vol pur et simple de l’œuvre de Jung Gi. Leur mécontentement a largement été relayé sur Twitter, à l’exemple de l’auteur de bande dessinée Dave Scheidt et son tweet assassin. «Kim Jung Gi nous a quittés il y a moins d’une semaine et les frères de l’IA reproduisent déjà son style et demandent du crédit. Vautours et perdants veules et sans talent».
Ces dernières semaines, une série de controverses sur l’art généré par l’Intelligence artificielle, principalement au Japon, mais aussi en Corée du Sud, a incité des personnalités de l’industrie, des VTubers et des fans à dénoncer la technologie, ainsi que les artistes qui l’utilisent. «Je pense qu’ils craignent de s’entraîner pour quelque chose dont ils ne pourront jamais vivre parce qu’ils vont être remplacés par l’IA», a estimé «5you» interrogé par l’ONG Rest of World. Les artistes perdent aussi le contrôle de leurs royalties. «5you» a par exemple entraîné son modèle informatique en le nourrissant d’illustrations de Jung Gi tirées de Google Images, sans l’autorisation de l’artiste ou des éditeurs. Et la question juridique de savoir à quel stade on peut considérer les reproductions via l’intelligence artificielle comme une copie, et donc une violation des droits d’auteur de l’œuvre originale, est loin d’être réglée.
«5you» n’est pas passé par Dall-E, le plus connu des modèles d’art généré via l’intelligence artificielle, mais par Stable Diffusion, un outil libre appartenant à la société Stability AI. L’affaire n’en est pas restée là pour lui. Il a affirmé avoir reçu des menaces de mort de la part de fidèles et d’illustrateurs de Jung Gi. Il pourra méditer sur le proverbe «l’enfer est pavé de bonnes intentions».