Est vaudois - «L’idée n’était pas de m’enrichir, mais de rendre service»

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Est vaudois«L’idée n’était pas de m’enrichir, mais de rendre service»

L’auteur d’une app qui dénonçait les véhicules mal parqués s’est expliqué mardi au tribunal. Il a été notamment reconnu coupable d’extorsion et de chantage. Les montants encaissés n’ont pas été reversés aux lésés.

Seules les autorités, police ou justice de paix, peuvent punir les auteurs de stationnement abusif, a rappelé mardi la juge du Tribunal de l’Est vaudois.

Seules les autorités, police ou justice de paix, peuvent punir les auteurs de stationnement abusif, a rappelé mardi la juge du Tribunal de l’Est vaudois.

Philippe Maeder 

«Etes-vous au courant que vous êtes un privé? Vous n’êtes ni le Canton ni l’Etat ni la justice.» C’est une des premières phrases lancées par la juge du Tribunal de l’Est vaudois envers un homme d’affaires qui a comparu ce mardi à Vevey pour extorsion et chantage. Il se permettait en effet de punir les auteurs de mauvais stationnement de manière «abusive» par le biais de son application mobile et de son option qu’il avait créée: «Dénoncer anonymement quelqu’un qui est mal parqué». Sa société faisait parvenir au titulaire de la voiture incriminée, par l’intermédiaire d’une société de recouvrement, un courrier demandant de verser dans les dix jours «les frais d’indemnités» de 40 francs pour ne pas être dénoncé à la justice. A l’ouverture de l’audience, la défense a demandé l’acquittement.

Sur 2568 dénonciations reçues par le biais de cette app, 1678 ont fait l’objet d’un tel courrier et 496 automobilistes se sont acquittés de la somme réclamée. Au final, cette activité qualifiée de «délictueuse» a rapporté 19’840 francs entre 2016 et 2018. La somme a été divisée par deux puisque la société de recouvrement reversait la moitié au propriétaire de l’application. A noter qu’aucun lésé n’a déposé plainte pénale. C’est un préfet qui a eu vent du procédé.

Convaincu de la légalité

Durant les débats, le ressortissant néerlandais, ne maîtrisant pas bien le français, a déclaré qu’il était convaincu de la légalité de sa démarche. «Vous avez pourtant été entendu par la police? Cela ne vous a pas fait réagir», a relevé la présidente. L’homme d’affaires s’est défendu en expliquant avoir fait des recherches sur internet et s’être appuyé sur la jurisprudence et des articles qui faisaient référence au droit de demander une indemnité et non pas une amende: «L’idée n’était pas de m’enrichir, mais de rendre service.»

«Un sondage m’a montré que de nombreuses personnes voulaient savoir comment faire quand quelqu’un prend votre place de parc. En outre, on m’a dit que ce procédé se faisait en Italie. Ainsi, j’ai ajouté à l’application une option d’indemnisation.» La juge lui a demandé pourquoi il n’avait pas reversé l’argent aux détenteurs de places de parc lésés ? Sa réponse: «On a réfléchi. C’était trop compliqué de reverser l’argent et nous n’avions pas une garantie de sécurité avec un IBAN.» Il a aussi affirmé que s’il prenait la place de parc de quelqu’un d’autre, il paierait une indemnité. Le Ministère public a relevé que le prévenu avait agi dans un but d’enrichissement: «Il n’y a pas de place pour une justice privée.»

«Lien entre l’accusé et la société de recouvrement»

Les lettres n’étaient pas envoyées par le propriétaire de l’application, mais par la société de recouvrement. «Il a vendu les adresses à la société de recouvrement. C’est elle qui a rédigé les textes litigieux. C’est donc un élément de l’infraction qui ne doit pas être imputé à mon client», a relevé la défense, en soulignant que la société n’a jamais été entendue dans cette affaire. Pour étayer la bonne foi de son client, elle a aussi ajouté que son client avait présenté la fonction de son application à «20 minutes» en novembre 2016.

Ces éléments n’ont cependant pas été retenus par la juge, qui a condamné le prévenu pour extorsion et chantage. Il a écopé de 150 jours-amende à 250 francs, avec un sursis de deux ans alors que le Ministère public réclamait 180 jours-amende à 300 francs. Il devra en outre payer une amende de 4000 francs. Les 19’840 francs séquestrés serviront de créance compensatrice en faveur de l’Etat. Un appel est toujours possible.

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