Élections fédéralesL’UDC «emprunte» les visuels de journaux romands pour sa campagne
Le premier parti du pays s’est inspiré un peu trop librement de titres, logos et images de plusieurs médias du pays. Un sociologue met en garde contre cette pratique.
Un petit logo UDC dans le coin inférieur droit, et à l’opposé, un petit logo «20 minutes», ou «LeMatin.ch», ou encore «24 heures» …Voilà une vision inhabituelle, apparue sur le fil twitter de l’UDC Suisse, dans le cadre de sa campagne pour les élections fédérales du 22 octobre. De quoi soulever des questions chez lesdits médias, mais aussi du côté des lecteurs et électeurs: s’agit-il d’une campagne sponsorisée? d’un partenariat? d’une collaboration? Rien de tout cela, assure la rédaction en chef de «20 minutes» et de son pendant alémanique, ainsi que le service juridique de TxGroup (propriétaire de ces titres). Ce dernier a sommé le parti de retirer ces visuels.
«Le logo sur une affiche évoque en effet pour le lecteur une forme de collaboration pouvant porter à confusion», confirme Gianni Haver, professeur de sociologie de l'image et d'histoire sociale des médias à l’Unil. «Le parti profite ainsi de l’image de crédibilité d’un média installé, se cachant derrière un propos neutre donné par une source reconnue.»
Autre problème pointé par le sociologue: l’usage du fait divers dans le cadre de la politique. «On prend quelque chose qui relève de l’«anecdotique», soit un fait pas forcément représentatif d’une réalité, pour en faire une règle générale. Et le parti se pose en solution directe au problème sans décrire ses causes profondes, ni même détailler les réponses qu’il propose.»
Une pratique «légitime»
Questionné sur la méthode, l’UDC répond ne pas voir de problème légal à la citation d’un contenu médiatique qu’il estime correctement séparé du slogan, sans risque de confusion pour le lecteur. «Toutefois, afin d’éviter d’inutiles discussions polémiques et de nous concentrer sur le message plutôt que la forme, nous prévoyons de modifier le design de nos futures publications», indique Andrea Sommer, porte-parole du secrétariat général.
Quant à la place du fait divers dans une campagne politique, elle précise que «ce n’est pas l’UDC Suisse qui choisit les sujets traités par les médias et les titres accompagnant ces derniers. Lorsque des médias indépendants estiment qu’un sujet a sa place dans l’actualité et décident du titre approprié pour l’accompagner, il apparaît légitime que les acteurs politiques puissent se baser sur ces actualités et reprendre les termes employés par la presse.»
Campagnes toujours plus agressives
Le sociologue rappelle que le propre de nombreuses campagnes UDC est souvent d’être conçues pour faire réagir, de fâcher et donc de faire parler, à l’image des moutons noirs contre l’immigration, du niqab contre la naturalisation facilitée, ou celles dénonçant une censure lors de la campagne sur les minarets. Récemment toutefois, dans le cadre de la campagne pour la loi CO₂, des écologistes avaient également adopté cette posture agressive en liant l’éboulement de Brienz au réchauffement climatique, ou en utilisant l’image de Vladimir Poutine en pleine gare. Dans le cadre de la campagne pour les fédérales, le PLR a aussi innové en utilisant une intelligence artificielle pour montrer une scène qui n’a jamais eu lieu, en lien avec les activistes de Renovate Switzerland. En prenant bien garde, toutefois, de ne pas ajouter le logo du collectif.