«Maintenant, je sais ce qu'est l'enfer»

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Drame d'Arolla (VS)«Maintenant, je sais ce qu'est l'enfer»

Tommaso Piccioli est l'un des rescapés de la tragique excursion qui a fait six victimes en Valais. Sorti de l'hôpital, il revient sur cette nuit cauchemardesque.

Avant de sortir de l'hôpital mercredi, Tommaso Piccioli s'est confié par téléphone à une amie. Plusieurs fois, cet architecte italien lui a répété cette phrase terrible: «Maintenant, je sais ce qu'est l'enfer.» «L'enfer, c'est cette chose-là. Cela ne peut pas être autre chose que ce froid-là et une nuit comme celle-là», a-t-il raconté à son interlocutrice. Miraculé de la tragique excursion dans le val d'Hérens, l'Italien se porte bien. Il est en route pour Milan, où vit son père, écrit le «Corriere della Sera». Dans sa tête tourneront encore longtemps les images de cette nuit cauchemardesque. La tempête, le gel, l'obscurité, le vent. Le fait de se savoir si près de la cabane des Vignettes, mais de ne pas être capable de la rejoindre.

L'architecte a passé la nuit à côté d'une Allemande, et c'est leur proximité qui les a sauvés. «Tu dois bouger, je t'en prie, bouge, ne t'arrête pas. Et ne dors pas, ne t'endors pas», n'a cessé de répéter l'Italien à sa compagne d'infortune. Ces conseils, l'architecte les a prodigués à l'ensemble du groupe, mais dans la tempête et le brouillard, il n'arrivait pas à voir tout le monde ni à savoir si ses camarades étaient encore vivants. Au micro de Tg3, Tommaso Piccioli évoque un enchaînement d'erreurs catastrophiques. «A 10 heures, il commençait déjà à faire moche. Partir pour une telle excursion, c'était impensable», raconte-t-il, avant d'ajouter: «Nous nous sommes perdus quatre ou cinq fois.»

L'Italien étant le seul en possession d'un GPS, il a guidé le groupe jusqu'au moment où la mauvaise visibilité ne lui a plus permis d'avancer. «La nuit arrivant, nous nous sommes arrêtés sur une arête. Et ça aussi, c'était une erreur. Il ne faut jamais s'arrêter sur une arête quand il y a du vent», explique-t-il. Dans sa lutte contre le sommeil, synonyme de mort, Tommaso a perdu espoir: «Je savais que nous allions tous mourir, ou alors plus de la moitié d'entre nous. A un moment donné, j'ai eu envie de me laisser mourir. Et puis j'ai pensé à ma femme», confie-t-il.

Le groupe s'étant arrêté dans un endroit rocheux avec peu de neige, il lui était impossible de creuser des trous pour se protéger du froid. Si l'Italien a survécu, c'est grâce à sa condition physique et parce qu'il a «su quoi faire». Une fois à l'hôpital, Tommaso a appris le décès de ses compagnons. Avant d'appeler son père, l'architecte a passé des coups de téléphone à sa mère ainsi qu'à son épouse, qui vit en Australie la majeure partie de l'année. Tommaso est passionné d'aventure et repartira certainement à l'assaut des montagnes. «Mais cette expérience a été terrible. Ses amis de Bolzano sont tous morts», confie Stefano, le père du rescapé.

(joc)

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