Maladie ou dépressionUn suicide assisté en est-il un «vrai»? Un élu lance le débat
Alors que la Confédération se félicite d'une baisse des suicides, les décès médicalement provoqués sont en hausse. Un parlementaire s'inquiète d'une «manipulation».

Les conditions d'aide au suicide sont liées aux maladies du patient. Pour Benjamin Roduit, ce qui conduit une personne au suicide est de toute façon lié à une maladie.
AFPDerrière une histoire de chiffres, c'est un débat idéologique qui se déploie, sous la forme d'une interpellation parlementaire déposée par le conseiller national Benjamin Roduit (Centre/VS). Le suicide assisté est-il un «vrai» suicide, au même titre que celui perpétré par une personne seule et désespérée? Selon lui, c'est une réalité qu'ignore la nouvelle manière de compter de l'OFS, qui sépare depuis quelques années les statistiques des deux catégories.
«Cette pratique permet de prétendre que le nombre de suicides ne cesse de diminuer, critique le Valaisan. La Confédération clame qu'on est passé pour la première fois sous la barre des 1000 cas par an. Alors qu'en réalité, le nombre de suicides ne cesse d’augmenter fortement en Suisse, pour atteindre en 2023 plus de 8 suicides par jour, toutes causes confondues.»
«Dans les deux cas, le motif est une maladie»
Si les deux pratiques sont différentes dans les faits, elles ont à ses yeux une cause commune: «C’est un acte volontaire qui provoque le décès, dans le cadre d'une maladie. Qu'elle soit douloureuse et incurable dans le cadre d'une aide au suicide, ou qu'il s'agisse d'une dépression.» L'élu critique une orientation idéologique derrière la lecture des autorités et souhaite briser «le tabou qui entoure tout ce qui touche à Exit». Pour lui, davantage d'effort doit au contraire être mis sur les soins palliatifs, pour réduire le recours au suicide assisté.

Les tendances s'inversent entre le suicide et le suicide assisté.
Obsan/OFSCes deux réalités n'ont rien à voir entre elles, réagit Stéphane Saillant, médecin-chef au Centre Neuchâtelois de psychiatrie et vice-président du Groupe romand de prévention du suicide. «Les personnes qui mettent fin à leurs jours le font dans un état de crise, parce qu'elles ne voient pas d'autre solution pour faire cesser leurs souffrances. Elles n'ont souvent plus leur capacité de discernement, parce qu'elles sont dans un état psychique particulier, souvent de l’ordre de la dissociation. Mais la grande majorité des personnes qui reçoivent un traitement après une tentative vont beaucoup mieux ensuite.»
Au contraire, une personne qui fait appel à une aide au suicide le fait dans le cadre d'une maladie sévère et incurable, généralement physique, avec une mortalité élevée et des symptômes lourds, rappelle le spécialiste. «C'est un choix éclairé et réfléchi.»
Cibler le public jeune
Pour ce spécialiste, la séparation des données reflète donc bien une réalité scientifique, qui porte sur deux populations bien différentes. L'association Stop Suicide abonde: «Il nous semble primordial que ces chiffres soient différenciés afin d’adapter au mieux nos actions de prévention à notre public cible.» Celui-ci, soit la tranche des 15-29 ans, envoie justement des signaux inquiétants: hausse des consultations psy, des hospitalisations et des pensées suicidaires.
Où sont passées les doses létales d'Exit?
«Des flacons de substances létales se promènent dans la nature», signalait un lanceur d'alerte récemment à la RTS. Selon leur enquête, les doses de produit distribuées par des pharmacies à Exit ne font pas l'objet de contrôle a posteriori sur l'utilisation effective du produit. Le système repose en effet sur la confiance: si une intervention programmée n'a pas lieu, par exemple parce que la personne est décédée de mort naturelle avant, c'est au médecin de rendre ou de détruire le produit, mais ceci n'est que peu suivi. Or, le produit vraisemblablement d'origine suisse circule sur le dark web. Le pharmacien et conseiller national Thomas Bläsi (UDC/GE) a déposé mi-mars un postulat sur le sujet.
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