SuisseManger un sandwich, est-ce un traitement inhumain?
Un ministre gambien, accusé de torture, estimait avoir été traité de manière inhumaine, parce qu’il avait reçu un sandwich lors d’une audition. La justice suisse n’entre pas en matière.

Ousman Sonko se plaignait d’avoir reçu un sandwich végétarien avec des pommes et de l’eau.
Photo d’illustration/KeystoneL’ancien ministre gambien Ousman Sonko, soupçonné de crimes contre l’humanité pour avoir ordonné des actes de torture, estime avoir été victime de traitements inhumains. Il aurait eu droit à un seul sandwich durant une longue audition en février dernier.
Le 13 février 2020, Ousman Sonko a demandé au Ministère public de la Confédération (MPC) de rendre une décision formelle sur la valeur nutritive de la collation et sur la composition du sandwich servi trois jours auparavant.
Il s'agissait d'obtenir une décision formelle sur la légalité de ce que son avocat considère comme une «privation de nourriture». Une pratique qui constituerait une forme de torture, ou pour le moins un traitement cruel, inhumain et dégradant au sens du Pacte ONU I et de la Constitution fédérale.
Privé de repas durant trois jours
Me Philippe Currat explique à Keystone-ATS que son client a été entendu par le MPC le lundi 10 février. À cet effet, il a quitté la prison de Berthoud (BE) où il est incarcéré vers 6 heures du matin, avant le petit-déjeûner, et n'est rentré qu'après 19h30.
Or, selon l'avocat, l'établissement de Berthoud sert uniquement une assiette froide aux détenus le samedi et le dimanche en milieu de journée. Pour Philippe Currat, Ousman Sonko n'a pas eu de repas digne de ce nom entre le vendredi 7 février au soir et le lundi 10 au soir, soit durant trois jours consécutifs.
Sandwich végétarien
Dans sa réponse du 6 mars, le MPC a précisé de son côté que deux «lunchbags» avaient été préparés en vue de l'audition. Chaque sachet contenait deux pommes, un sandwich végétarien et une bouteille d'un demi-litre d'eau. Ces collations étaient censées couvrir des besoins équivalant à un repas.
Dans un arrêt publié mardi, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral constate qu'en ne répliquant pas à une réaction d'Ousman Sonko à sa réponse, le MPC n'avait pas commis de déni de justice. En effet, ce courrier n'appelait pas de nouvelle réponse. Dans ces conditions, la plainte déposée par l'ancien ministre par voie électronique à fin avril doit être considérée comme tardive et il n'y a pas lieu d'entrer en matière.
Me Currat regrette que les juges de Bellinzone aient écarté la demande pour des raisons formelles, sans se prononcer sur la légalité du traitement infligé par le MPC à l'ancien ministre.
Actes de torture
Ousman Sonko a été arrêté à fin janvier 2017 à Lyss (BE) après une dénonciation de Trial International, une ONG établie à Genève. Le Gambien, qui avait déposé une demande d'asile, est accusé d'avoir ordonné et assisté à des actes de torture.
Cet ancien chef de la police et commandant de la garde présidentielle a été ministre de l'intérieur de la République de Gambie de 2006 à 2016 sous le régime du président Yahya Jammeh. (décision BB.2020.42 du 12 mai 2020)