Marée humaine à Belgrade«Nous avons uni le pays, éveillé la solidarité et l’empathie»
Une manifestation historique a réuni samedi plus de 100'000 personnes dans les rues de la capitale serbe. Du jamais-vu depuis des décennies.
Ce samedi 15 mars ne sera pas oublié de sitôt en Serbie. Plus de 100'000 personnes ont défilé dans les rues de Belgrade ce jour-là, une manifestation historique après des mois de contestation contre la corruption, menée par les étudiants serbes.
«Des bouteilles et des pierres ont été lancées» depuis le parc où se trouvent les partisans du gouvernement, écrivaient-ils sur les réseaux sociaux dans la soirée, «nous demandons à tout le monde de quitter la zone du Parlement et de se mettre en sécurité».
Depuis plusieurs jours, des soutiens du gouvernement campent dans cette zone, et des tensions ont eu lieu au cours de la journée entre manifestants et partisans des autorités.
Rassemblée depuis midi dans les rues de la capitale, une véritable marée humaine a manifesté dans le calme, le plus grand rassemblement depuis le début de ce mouvement qui secoue le pays comme jamais depuis les années 90.
Mouvement né le 1er novembre
Au moins 107'000 personnes se sont rassemblées dans la capitale depuis le début de la journée, selon les chiffres du Ministère de l’intérieur. Le mouvement est né de l’accident de la gare de Novi Sad le 1er novembre, qui a fait quinze morts lorsque s’est écroulé l’auvent en béton du bâtiment tout juste rénové.
La colère a explosé, une partie des Serbes voyant dans cet accident le reflet d’une corruption qui, selon eux, entache les institutions et les travaux publics. De semaine en semaine, le mouvement est devenu l’un des plus importants de l’histoire récente de la Serbie, avec des manifestations quotidiennes demandant des comptes aux responsables de l’accident, la libération des manifestants arrêtés, mais aussi un système moins corrompu.
«Nous nous sommes organisés à partir de rien et avons accompli beaucoup de choses», a lancé depuis une scène sur la principale place de la ville une étudiante. «Nous avons uni le pays, les générations, éveillé la solidarité et l’empathie, et montré que le changement est possible lorsque nous nous battons ensemble.»
Autour d’elle, une foule dense arborait des drapeaux et insignes allant de la droite nationaliste à l’extrême gauche en passant par les écologistes.
«Pumpaj! Pumpaj!» (Pompe! Pompe!), chantaient-ils, le slogan du mouvement, destiné à montrer que leur énergie ne faiblira pas. Beaucoup portaient un pin’s avec une main ensanglantée, symbole du mouvement qui a adopté comme mot d’ordre «la corruption tue».
Dans le calme et de «façon responsable»
Les rassemblements se sont tendus depuis que le gouvernement a accusé les protestataires d’être payés par des agences étrangères, de préparer des actions violentes, voire une révolution.
Le Ministère de l’intérieur a lancé en fin d’après-midi un «appel à tous les participants à préserver la paix dans un esprit de responsabilité citoyenne et en respectant les lois».
Pour sécuriser la manifestation, des groupes de motards, de vétérans et le service d’ordre des étudiants, qui assure depuis le début la sécurité du mouvement, ont formé un filet de sécurité autour du cortège, en particulier au niveau du parlement et de la présidence.
Dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux, les étudiants avaient dès vendredi appelé à manifester «dans le calme et de façon responsable». «L’objectif de ce mouvement n’est pas l’intrusion dans des institutions, ni d’attaquer ceux qui ne pensent pas comme nous. Ce mouvement ne doit pas être utilisé à mauvais escient», ont-ils écrit.